Bulle
La police réussit sa mue

Au printemps 2001, les autorités bulloises décidaient de réorganiser la police locale pour en faire une police de proximité. Cinq mois après la mise en chantier de la réforme, tout semble se passer pour le mieux. Une réussite qui doit beaucoup à l’engagement de trois nouveaux agents, tous issus de la gendarmerie.


Etre à l’écoute de la population pour répondre à ses attentes, tel est le credo de la nouvelle police de proximité
(C. Dutoit)

Depuis cinq mois maintenant, la police de la ville de Bulle s’affiche plus visiblement dans les rues du chef-lieu. Et c’est exactement ce qu’entendaient les autorités communales lorsqu’elles décidaient, au printemps 2001, de rapprocher ce service du citoyen. Très concrètement, cela se traduit par des patrouilles quotidiennes à travers la cité et une surveillance accrue des soirées du week-end. Le but est de montrer sa présence sur le terrain en vue de contrer la montée du sentiment d’insécurité qui, fantasmé ou non, existe bel et bien.
La mise en place de cette police de proximité, pour l’heure unique en terre fribourgeoise, semble se dérouler comme sur des roulettes. Au-delà même des espérances de Raoul Girard, le conseiller communal responsable: «Cela se passe tout en douceur, naturellement», rapporte-t-il. Et dire qu’il imaginait que ce dossier serait l’un des plus compliqués de son mandat… «Il faut relever que tous les éléments étaient réunis au bon moment. Il n’y avait plus qu’à faire, et chacun savait quoi faire.» Le nouveau «patron» du corps notamment, le sergent Jean-Claude Tissot, avait déjà sa petite idée sur la manière de mener à bien cette réforme. «Il connaissait nos attentes et il y a répondu», constate Raoul Girard.
Si cette réorganisation se déroule aussi bien, c’est surtout grâce au nouveau personnel engagé par la ville. Une véritable aubaine. Car les autorités pensaient devoir former des gens, que cela prendrait du temps. Eh bien, pas du tout: «Nous sommes tombés sur des hommes jeunes, formés, compétents et expérimentés», se félicite le conseiller communal. Les trois nouvelles recrues de la police locale sont en effet des transfuges de la gendarmerie. Le caporal Nicolas Chenaux, 35 ans, a ainsi quitté, après dix années de service, la Police cantonale fribourgeoise. Sans regrets. «J’avais envie de voir autre chose, et puis j’aime ce contact que l’on a avec les gens, à pied, en ville», explique-t-il. Sans oublier la qualité de vie, qui s’améliore nettement. Les horaires de la «locale» – sans être «administratifs» – ne sont en effet pas aussi irréguliers que ceux de la «cantonale».
On imagine pourtant le travail de la gendarmerie plus «excitant» que celui de la police communale. «Ce qu’il manque dans la gendarmerie, c’est le contact. Nous n’avons plus la possibilité de discuter avec les gens, il faut courir d’une intervention à l’autre. Et quand tu n’as plus le contact, la population ne te regarde plus de la même manière, tu n’es plus qu’un uniforme», résume Jérôme Bosson. Lui arrive de Genève, où il a passé plus de dix ans. A 30 ans, il a retrouvé à Bulle ce qu’il avait aperçu au bout du Léman: «J’ai terminé ma “carrière” genevoise à Chêne, où je côtoyais l’îlotier [n.d.l.r.: Genève est l’une des premières villes de Suisse à avoir mis en place un concept de police de proximité]. J’ai alors su que c’était ce que je voulais faire. Ce n’est pas un autre métier, c’est une autre vision du métier.» La vision d’une police de prévention plutôt que celle d’une police d’intervention.

Echos favorables
Les priorités sont autres, mais tout aussi nécessaires: «Boucler une rue un jeudi de marché, par exemple. C’est peut-être moins excitant qu’une intervention de gendarmerie, mais c’est indispensable», poursuit Jérôme Bosson. Et quel accueil réservent les rues bulloises à ces nouveaux agents? «En règle générale, les gens sont contents de nous voir un peu plus», relève le jeune agent.
Ce que confirme Nicolas Chenaux: «Nous recueillons beaucoup d’échos favorables de la part des marchands et des piétons.» Même satisfaction du côté de la préfecture de la Gruyère, où Maurice Ropraz se réjouit que la ville de Bulle ait consenti à mettre les moyens pour cette police «qui s’avère nécessaire et utile»: «La présence policière a un effet psychologique important, alors tant mieux qu’existe cette volonté de montrer une présence accrue.»
Pour le commandant de la Police cantonale Pierre Nidegger – qui a perdu deux gendarmes dans l’aventure bulloise – la police de proximité est un moyen de lutte efficace contre le sentiment d’insécurité: «Elle peut dissuader d’éventuels malfaiteurs. Par ailleurs, elle peut s’occuper de tâches pour lesquelles nous n’avons pas vraiment le temps.»

Etre présent partout
Si elle avance à bon train, la mue de la police municipale n’est pas encore achevée. Reste à investir plus avant les quartiers périphériques. Car si l’essentiel de l’activité se concentre évidemment au centre-ville, «la philosophie de la police de proximité est d’être partout», insiste Jean-Claude Tissot. C’est dans cette optique que Bulle a été divisée en quatre secteurs, peuplés de 2700 à 3500 habitants, placés sous la responsabilité d’un îlotier. «Cela veut dire qu’il doit intervenir aussi bien au niveau des amendes que du bruit ou des déchets. C’est lui la personne de contact», relève le sergent.
Contact, le maître mot de cette réforme: «Cette nouvelle police est là pour tout le monde, elle est là pour être à l’écoute des gens. En voyant un agent en train de discuter, certains diront peut-être qu’il ne fait que ça! Mais c’est son rôle de se mêler à la population. Parce que si nous ne sommes pas à son écoute, nous ne saurons jamais comment répondre à ses attentes.»

Patrick Pugin / 31 août 2002