COMMENTAIRE
Johannesburg
Objectif Terre
Il y
a quelque chose de pathétique dans les discussions de la deuxième
Conférence du développement durable qui sest ouverte
à Johannesburg. Ce sommet tient davantage du spectacle que dune
réunion de crise: une centaine de chefs dEtat ou de gouvernement,
22000 délégués et quelques dizaines de milliers de
manifestants, décologistes et de policiers
Mais aussi
des tonnes de rapports, de brochures et de tracts portés par un
objectif: le sauvetage de notre planète. Or les premiers murmures
qui émergent de ce brouhaha laissent mal augurer du bilan final:
les débats y sont cacophoniques, à limage de la complexité
du sujet.
Après les espoirs déçus du Sommet de la Terre, tenu
à Rio en 1992, on peut légitimement sinterroger sur
lutilité de cet immense raout. Il y a une décennie
ont été adoptées deux conventions importantes sur
le changement climatique et la biodiversité, dont les résultats
ont été aussi efficaces quune pilule homéopathique
lest pour guérir une jambe cassée.
Les pessimistes ne voient dans ce Sommet de Johannesburg quun exercice
incantatoire, une cérémonie motivée par le seul besoin
de nous donner bonne conscience. Il est cependant à nos yeux de
première nécessité. Car la conférence sud-africaine
est placée devant un enjeu de taille: la santé de la planète
que les hommes du XXIe siècle légueront à leurs enfants.
Car sil continue sur cette pente, lhomme connaîtra le
sort des dinosaures. A la nuance près que son extinction trouvera
son origine dans sa propre incapacité à maintenir les équilibres
de la vie sur Terre.
Devant la complexité de la situation, les scientifiques ne saccordent
pas sur la profondeur du mal. Mais ils sont aujourdhui une majorité
à ladmettre: pour la première fois dans lhistoire
de lhumanité, la transmission de témoin, dune
génération à lautre, nest plus assurée.
Dans cinquante ans, il faudra une planète de rechange pour reconstituer
les ressources naturelles dont les prélèvements dépassent
les capacités de reconstitution. Le confort des générations
actuelles se fait au prix de la survie des générations à
venir.
Il y a état durgence. Et le Sommet de Johannesburg napportera
pas, on le sait, de solutions concrètes et chiffrées au
problème. Parce que les égoïsmes particuliers et les
intérêts économiques lemportent sur les enjeux
collectifs. Parce que George Bush persiste à considérer
que son golf quotidien reste prioritaire par rapport à lavenir
planétaire.
Une révolution copernicienne est cependant nécessaire. Le
problème, cest quelle touche autant les ressources
naturelles que les inégalités entre le Sud et le Nord. Elle
intègre aussi bien la politique agricole mondiale que laccès
à leau par tous. Convient-il, parce que lenjeu semble
insurmontable, de renoncer? Si le Sommet de Johannesburg parvient à
convaincre lhomme que cette révolution passe par un changement
de comportement individuel et personnel, il aura au moins servi à
quelque chose, au-delà des petits-fours et des rhétoriques
grandiloquentes.
Patrice
Borcard / 29 août 2002
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