Expo.02
Avec les yeux de Gulliver

Pas le temps de visiter les arteplages de Bienne et de Neuchâtel? Pas l’envie de voir de près le monolithe de Morat ou le nuage d’Yverdon? Dommage… Et s’il existait un moyen de faire le tour des quatre sites en une heure seulement, ça vous tenterait? Embarquement immédiat.


Le monolithe de Morat (M. Rouiller)

Visiter les quatre arteplages d’expo.02 en une seule journée? Impossible, affirment ses concepteurs. Trop de déplacements, trop de curiosités, trop de monde. Bref: pas assez de temps. Il est pourtant un moyen de locomotion qui offre la possibilité de faire le tour… en une heure seulement! Il suffit de se munir de bonnes lunettes de soleil et d’avoir le cœur bien accroché pour s’engouffrer dans un petit avion au départ de l’aérodrome d’Epagny. Un voyage féerique, qui permet d’observer les arteplages et ses visiteurs lilliputiens avec les yeux de Gulliver.
Pas le temps de souffler: dès l’instant où l’on survole Fribourg, le monolithe de Morat apparaît déjà au loin. Minuscule, presque ridicule. Mais quelques instants de vol supplémentaires suffisent à redorer l’image du géant aux pieds d’argile. L’imposant cube de toile et d’acier se révèle alors dans toute sa masse, et l’on se prend à rêver davantage encore à son illusoire maintien. Passons…

Couleur Caraïbes
Sur la berge, quelques dizaines de visiteurs déambulent. Beaucoup font la queue en attendant la prochaine barge qui les mènera à la principale attraction du lieu. D’autres semblent comme figés, alors même qu’ils empruntent les différentes veines de l’arteplage. Illusion d’optique: le Piper file à près de 170 km/h, ce qui réduit considérablement l’impression de déplacement des personnes au sol. Une chose est sûre cependant: il n’y a pas grand monde en ce jeudi après-midi. Et ce ne sont pas les immenses parkings qui nous feront changer d’avis. Vu d’en haut, le vide apparaît d’autant plus flagrant.
Après un ou deux passages, on quitte le site moratois pour se diriger vers Bienne. On survole en chemin l’île Saint-Pierre, qui s’étire langoureusement jusqu’au milieu du lac, dont les eaux couleur turquoise font croire un instant aux Caraïbes. Devant nous, l’arteplage s’apparente encore à un drôle de capharnaüm, mélange entre une centrale nucléaire et un chapiteau de cirque. Mais, cette fois au moins, l’endroit grouille de monde. On devine quelques têtes lever les yeux au ciel vers cet intrus qui les survole. Et l’on repart déjà…
Lorsqu’on repasse à proximité de l’île chère à Jean-Jacques Rousseau, c’est le moment où l’on prend réellement conscience de cette fameuse «région des trois lacs». Et de l’intérêt d’une exposition nationale éclatée sur quatre sites: alors que l’on vient de quitter l’arteplage de Bienne, le monolithe de Morat réapparaît sur notre gauche, dans son petit lac qui ressemble depuis ici à une simple gouille, tandis que se profile devant nous le site de Neuchâtel. Et au loin, on devine déjà le fameux nuage d’Yverdon. Instant magique.
L’une des nombreuses navettes Iris fend les eaux juste au-dessous, laissant derrière elle un long filet d’écume qui nous sert de guide vers notre prochain but. Un immense parc à voitures pratiquement vide trahit à nouveau l’ambition mal récompensée des organisateurs. Qu’importe, le site est magnifique, peut-être même le plus beau. On passe et repasse sans se lasser, appréciant à chaque fois de nouveaux détails sur les drôles de soucoupes volantes qui forment l’arteplage. A chaque fois, il semble que la grande roue va nous chatouiller le fuselage. Pas de risque pourtant, car on vole en permanence à plus de 3000 pieds, ce qui laisse tout de même un brin de marge.
Reste Yverdon et son fameux nuage. D’en haut, l’imagination nous joue encore des tours. Et l’on se prend à y voir le souffle fétide d’un monstre remonté des profondeurs pour prendre sa respiration… Au reste, l’arteplage apparaît comme le plus grand des quatre, mais aussi comme le plus artificiel. Le voyage de Gulliver prend déjà fin. Mais bientôt, on en est sûr: on jouera à notre tour les Lilliputiens.

Informations: 026 921 00 40 ou sur www.aerodrome-gruyere.ch

Marc Valloton / 6 juillet 2002