AU TRIBUNAL
Révisionnistes jugés à Châtel
La prison ferme, trois fois

Ils iront tous les trois en prison. Reconnus coupables de discrimination raciale, Philippe Brennenstuhl et Gaston-Armand Amaudruz écoppent chacun de trois mois. Et René-Louis Berclaz, coupable de calomnie en plus, en prend huit: ça fera douze avec le couperet de la révocation du sursis.

Commencée dans la violence, avec un «fan» du trio révisionniste qui a bousculé un caméraman de la TV, la journée d’hier au Tribunal pénal de la Veveyse s’est terminée dans un silence de mort à l’énoncé des sentences: trois peines ferme.
On attendait trois prévenus à l’audience présidée par Pascal L’Homme. Il n’en vint qu’un seul: Philippe Brennenstuhl, vice-président de Vérité & Justice (V&J), l’association dissoute par jugement le 6 mars dernier à Châtel. Certificat médical à la clé, le Châtelois René-Louis Berclaz n’a pas comparu, pas plus que le Vaudois Gaston-Armand Amaudruz, 82 ans. Ces deux révisionnistes accusés, comme le premier, de discrimination raciale, ont été jugés par défaut.
En mars 2000, les accusés de Vérité & Justice ont imprimé, publié et distribué Le contre-rapport Bergier et, en août 2000, Le procès Amaudruz, une parodie de justice. Ces brochures ont notamment été distribuées aux parlementaires fédéraux et à des journalistes. Les deux écrits, dont plusieurs exemplaires ont été séquestrés au siège châtelois de V & J, ont «un contenu révisionniste et antisémite dans l’ensemble», selon l’ordonnance de renvoi. Petit florilège: «Quant aux gazages homicides ayant eu lieu à Auschwitz (et dans d’autres camps), il n’existe pas l’ombre d’une preuve matérielle et documentaire».
«Ce procès est politique, il bafoue les droits constitutionnels du citoyen suisse avec une loi muselière qui empêche la liberté d’expression et le débat. Nous attendons toujours les preuves du gazage des juifs! Personne, dans ce tribunal, n’est compétent pour juger ce qui a été écrit. Vous n’êtes ni historiens, ni chimistes! Tout comme Guillaume Tell, je ne saluerai pas la “kippa” de Gessler! C’est pourquoi je vais me taire!» a déclaré d’emblée à ses juges Philippe Brennenstuhl.
René-Louis Berclaz était aussi prévenu de diffamation ou de calomnie: c’est ce dernier chef d’accusation qu’a retenu le tribunal. Dans le cadre de la procédure pénale qui lui a valu, le 9 septembre 1998, d’être condamné à quatre mois de prison avec sursis pendant trois ans (jugement confirmé par le Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral), le juge d’instruction de la Veveyse avait demandé à un docteur en chimie d’examiner le rapport Rudolf (qui nie, «chimiquement», l’existence des chambres à gaz).
Le professeur, qui est le frère de l’ancienne syndique de Châtel Rose-Marie Ducrot, a apporté des éléments de réponse sur un des cinq volets de ce pavé en précisant qu’il est issu «de la littérature publiée bien avant le présent rapport et doit être considéré comme scientifiquement valable».
Ce préavis a valu au professeur d’être cité sur plusieurs sites internet comme une référence. Le président du tribunal a pu vérifier que c’était encore le cas la semaine passée… René-Louis Berclaz n’a pas donné suite à la mise en demeure de s’abstenir de tout acte pouvant porter atteinte à la personnalité du professeur. Et il a adressé, en octobre 1997, une lettre à l’ancienne syndique dans laquelle il lui dit que son éminent parent «n’a pas contesté les analyses scientifiques» de Rudolf.
S’insurgeant contre l’interprétation donnée à son préavis, le professeur, plaignant hier, a redit qu’il n’avait pas à «juger le fond» dudit rapport, mais que «sa forme et son style» lui ont semblé constituer «un travail universitaire». C’est tout.
Citée comme témoin, Rose-Marie Ducrot a qualifié la lettre reçue de «sordide, méchante et calomnieuse». Rappelant que le prévenu reçoit, depuis 1995, les prestations de l’aide sociale, l’ancienne syndique a qualifié l’attitude de René-Louis Berclaz de «harcèlement insupportable», contre elle et contre les employés communaux. L’avocat du professeur a parlé, lui, de «viol intellectuel d’une extrême gravité».
Au fil d’un long et ferme réquisitoire, le procureur Anne Colliard a décortiqué l’article 261 bis du Code pénal sur la discrimination raciale pour montrer combien il a été bafoué par des accusés dont les propos menacent la paix publique. Quant au professeur pris dans cette affaire, «il n’a jamais accrédité des thèses révisionnistes». Fustigeant «la haine qui suinte» des écrits révisionnistes, le procureur a requis une peine complémentaire de six mois d’emprisonnement contre Amaudruz, quatre mois contre Brennenstuhl et douze mois contre Berclaz, avec révocation des sursis pour ces deux derniers. Le tribunal a donné à Berclaz l’ordre de supprimer, partout où il figure, le nom du professeur à qui 1000 francs seront versés pour tort moral.

Marie-Paule Angel / 23 mai 2002