LHôpital
psychiatrique de Marsens aura fait couler beaucoup dencre depuis
lannonce, en mars dernier, de la démission du médecin
directeur Hans Brändli. Explication officielle de son départ:
«Je projette douvrir un cabinet dans la région bulloise.»
Seulement voilà, en sous-main, chacun connaît les motivations
profondes du psychiatre. Il ne supporte tout simplement plus les méthodes
du directeur administratif Armand Guggiari. «Je le sentais épuisé,
découragé», témoigne un généraliste
de ses amis. Et il nest pas le seul. Si chacun le sait, ils sont
peu nombreux à vouloir sexprimer à visage découvert.
Révélateur du climat délétère régnant
aujourdhui autour de lhôpital
Au centre des critiques, Armand Guggiari, qui gère cette administration
depuis le 1er janvier 1998. Que lui reproche-t-on? Une foultitude de
choses, selon ses détracteurs. Mais la goutte deau qui
a fait déborder le vase, cest son immixtion permanente
dans des affaires qui ne devraient pas le concerner directement: participation
à des séances entre médecins, ouverture de courrier
médical, intervention dans lengagement des assistants
«Pour lui, le secret médical nexiste pas»,
déplore un médecin.
Le
nud du conflit
«Le nud du conflit, cest labsence de cahier
des charges pour le directeur administratif, explique ce membre de la
commission administrative de lhôpital, tenu au devoir de
réserve. Mais nous allons lexiger: le rôle de chacun
doit être clairement défini.» Cette autre membre
de la commission relève par ailleurs: «On sent le conflit
qui couve, la tension est palpable. Tout ça parce que ladministrateur
veut trop en faire alors quil doit rester à sa place!»
La loi organique de lhôpital semble pourtant claire: «Ladministrateur
a la responsabilité de lHôpital psychiatrique du
point de vue administratif et économique», stipule larticle
16. Questionnée mercredi au sujet de ce fameux cahier des charges,
la directrice de la Santé publique Ruth Lüthi promettait
quelle profiterait de laudit en cours pour étudier
la question. «Je sais que des reproches sont faits de part et
dautre et je sais quils ne sont pas toujours justifiés.
Cest la raison de laudit. Il sagit de savoir si cest
un problème de personnes ou de structures.»
Connexion
partisane
Dans cette affaire, Ruth Lüthi campe lun des rôles
les moins agréables. Pour beaucoup, la conseillère dEtat
socialiste a imposé son camarade Guggiari il a présidé
aux destinées du PS cantonal de 1994 à 1997 à
la tête de Marsens. Et elle le couverait sous son aile
«Sa
nomination a été une très grosse surprise»,
reconnaît cet ancien député. «Cest clair
que sil nétait pas socialiste, il ne serait pas là»,
remarque quant à lui cet observateur avisé de la politique
fribourgeoise. Il faut dire que lhôpital de Marsens a toujours
été un fief démocrate-chrétien. Alors quun
«rose» sempare du poste
Une explication pourtant
revient dans différentes bouches: léchange de bons
procédés. En 1997, la République fribourgeoise
était secouée par «laffaire» du trou
des GFM, alors dirigé par un ponte du PDC. Le canton devait participer
à la facture pour plus de 10 millions. Les députés
socialistes auraient alors accepté de ne pas trop «chicaner»
au Grand Conseil à la condition quArmand Guggiari hérite
de ladministration de Marsens
Invérifiable, bien
sûr.
Ruth Lüthi, en tout cas, conteste fermement: «On raconte
nimporte quoi! On politise le problème, et cela minquiète.»
Pour elle, rarement le Conseil dEtat a pris une décision
autant à cur puisquil a reçu in corpore, événement
rare sil en est, les quatre derniers prétendants au poste
de directeur. «Et je suis convaincue quil a choisi le meilleur»,
assure-t-elle. Armand Guggiari qui ne souhaite pas «participer
à la polémique» en est également convaincu:
«Je revendique ma compétence et non mon accointance politique!»
Comment analyse-t-il cette vague de ressentiment à son encontre?
«On nest pas socialiste et directeur dhôpital
sans faire de jaloux!»
Le
précédent Bellevue
Aussi bassement politique et bête que cela? Certains en doutent.
«Je ne suis pas étonné de ce qui se passe à
Marsens. Je pensais déjà que les problèmes rencontrés
à la Fondation Bellevue se répéteraient, à
une plus grande envergure encore», glisse ce haut responsable
de lEtat. Car le passage dArmand Guggiari à la direction
de la Fondation Bellevue, à Marsens, a été des
plus tumultueux. La commission paritaire (moitié employés,
moitié employeurs), chargée darbitrer les conflits
dans les institutions de handicapés, sen rappelle encore:
«Il nous a bien occupés», concède-t-on. Et
bien souvent, cela sest terminé en faveur des employés
«Il a mené son affaire tambour battant, se souvient le
directeur dune institution spécialisée. Cest
un homme qui a du pep, des idées. Mais comme patron, il est plus
cassant que les autres. Il est plus dur que je ne le suis
et pourtant
on dit de moi que je suis dur! Il fait régner un régime
dictatorial.»
Ancien président du Conseil de la Fondation Bellevue, le radical
Pierre Bussard reconnaît quArmand Guggiari y a rencontré
quelques difficultés avec le personnel. Il atténue aussitôt,
admiratif: «Mais il a fait un travail remarquable. Il est parti
de rien, il a créé la fondation de toutes pièces.»
Et si ladministrateur est parfois passé par la case prudhommes,
«cest surtout dû au flou artistique de la convention
collective, assure Pierre Bussard. Sur le fond, il avait toujours raison
peut-être pas toujours sur la forme.» Et de rejeter en partie
la responsabilité des tensions actuelles sur les médecins:
«Le milieu où M. Guggiari évolue est très
difficile. Le monde des psychiatres est harassant: ils nacceptent
pas la critique.»
Une
main de fer
A Bellevue, Armand Guggiari tenait son personnel dune main de
fer. A Marsens, il fait pareil. «Cela peut être un avantage,
mais pas dans ce domaine-là! sexclame une spécialiste
des conflits entre employeurs et employés. La gestion humaine
vers le bas, cest surtout dire: je vous écoute, que puis-je
faire pour améliorer la situation, vous ai-je bien compris? Mais
avec lui, cest: Je dis! Vous faites!» Un employé
de lhôpital confirme: «Il menace les gens: Cest
moi qui paie, alors si tes pas content
»
Ce médecin en rajoute une couche: «Il ne respecte pas ses
collaborateurs, personne na confiance en lui et je nai jamais
entendu personne le soutenir ouvertement!»
Seuls les infirmiers et infirmières, par le biais de leur association
ASI, volent au secours de ladministrateur: «Cest une
personne ouverte à la discussion qui respecte notre travail.
Nous navons jamais eu de plaintes ou de remarques affligeantes
à lencontre dArmand Guggiari.» Voilà
pour la version officielle. Car en sous-main encore, les discussions
vont bon train
Et beaucoup reconnaissent chercher à travailler
ailleurs. Le personnel administratif nétant pas en reste
Le Dr Brändli qui ne désire pas en dire davantage
a choisi de jeter léponge. Il ne sera plus, le 1er
octobre prochain, le médecin directeur de lHôpital
psychiatrique de Marsens. Dici là, le Conseil dEtat
aura répondu aux questions très précises des députés
bullois Patrice Morand (pdc) et Jean-Denis Geinoz (prd) concernant les
relations entre les deux directions.
Mais beaucoup nattendent pas grandes solutions dun audit
qui na même pas pris la peine dentendre le médecin
directeur sortant