Art Choral

L’Etat garde ses distances

Tradition chorale en danger? L’inquiétude d’un député pousse le Gouvernement à donner de la voix. Pour calmer les inquiétudes et dire, du bout des lèvres, qu’il n’en fera pas davantage.

Soutenir l’art choral fribourgeois et encourager la formation des chefs de chœur: le Gouvernement y est favorable. Mais là s’arrête son rôle, argumente-t-il en réaction à la question du député Beat Vonlanthen (pdc, Saint-Antoine). Vivement préoccupé par la «tradition chorale en danger» (La Gruyère du 8 novembre 2001), le Singinois soufflait une solution à même de préserver selon lui ce «magnifique patrimoine»: réunir toutes les forces en présence en vue de créer de nouvelles structures de formation, à l’instar des cantons de Vaud et du Valais. Le tout orchestré par un groupe d’experts de la Direction de l’instruction publique chargé de mener la réflexion.
S’il est favorable à une mise au diapason des «cercles intéressés» – associations, paroisses, organisations culturelles, Conservatoire et institutions de formation des enseignants – le Conseil d’Etat s’en contente: «Ils devraient rechercher ensemble des solutions.» Le canton ne voit semble-t-il pas l’intérêt d’agiter sa baguette directoriale!
Dans sa réponse, l’Exécutif commence par remettre le chœur au milieu du village culturel fribourgeois. Notre tradition chorale, «remarquable», a certes de quoi rendre jalouses les autres régions du pays. Mais, suivant en cela l’évolution de la société, elle a «subi des changements importants ces dernières années»: l’Eglise et l’Etat ont pris leur distance, l’instit a succédé au régent-chef-de-chorale! Bref, «il y a tout de même encore des jeunes qui font le choix de participer à une activité chorale, mais ils sont moins nombreux que par le passé».
Comme pour se justifier, le Gouvernement constate que le profil des chefs amateurs s’est modifié, que les chœurs les recrutent également dans d’autres professions que l’enseignement, qu’ils sont parfois domiciliés en dehors du canton. «Leur intégration sociale dans la paroisse et dans la commune est souvent confinée aux répétitions et aux prestations.» Qui plus est, les exigences musicales ont pris l’ascenseur.

Un statu quo
Au passage, le Conseil d’Etat se félicite de l’effort accompli dans les classes enfantines et primaires, incitées à user de manière accrue de la méthodologie romande de l’éducation musicale. Un mouvement qui se poursuivra jusqu’en 2004. Sinon, au CO, l’enseignement de la musique est obligatoire; au secondaire II, choix est laissé entre musique et arts visuels; à l’Université, le chant peut être pratiqué aux deux chœurs de l’Uni et aux jeunesses musicales. Enfin, la formation dispensée à la Haute Ecole pédagogique (HEP) va maintenir «en tous points» le programme de l’ancienne Ecole normale. Un statu quo inscrit dans la loi qui amène le Gouvernement à calmer les inquiétudes: les objectifs poursuivis par la formation musicale du futur corps enseignant n’ont pas changé.

Risque de pénurie
Le Conseil d’Etat ajoute que le Conservatoire a été associé aux travaux préparatoires de la HEP et à la mise en place d’un réseau de soutien aux maîtres primaires pour les leçons de chant. Mais «il convient d’éviter une surcharge du plan d’études par l’intégration d’une formation obligatoire de direction dans la formation initiale de l’enseignement. Une possibilité pourrait être envisagée dans le cadre du service de formation continue de la HEP, moyennant la participation des cercles intéressés.»
Quant au risque de pénurie des chefs de chœur, il n’est pas à négliger. Le Conservatoire a en effet supprimé ses cours de direction chorale pour amateurs. Une interruption faite «à la demande de la personne qui les assurait, car ils entraient en concurrence avec les stages organisés par la Société cantonale des chanteurs fribourgeois» (SCCF). Les nouveaux cours ne conduisent plus qu’à un diplôme professionnel. En revanche, le Conservatoire a mis sur pied un certificat amateur liturgique, destiné aux futurs directeurs amateurs de chœurs d’église. «Il convient donc de souligner que l’offre du Conservatoire est complémentaire à celle de la Société cantonale des chanteurs fribourgeois.» SJ

Sébastien Julan / 3 janvier 2002