Paléo Festival de Nyon

Skirt sur la voie royale

Les quatre jeunes Bulloises de Skirt se produisaient, jeudi soir, au Paléo Festival de Nyon. A la clé: un énorme succès. «La Gruyère» a passé cette journée presque ordinaire avec elles. Reportage.


Laure, Claire, Sarah et Noémie (C. Dutoit)

Jeudi, tout début d’après-midi. La chaleur est étouffante. «Le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle», aurait peut-être dit Baudelaire. Sur le site d’Atlantis Center, à Vuadens, tout un petit monde d’amis s’agite déjà autour du local de répétition de Skirt. C’est que ce soir, Claire, Laure, Sarah et Noémie vont – elles ne le savent pas encore – bouter le feu au Paléo. A 13 h 45, les quatre demoiselles débarquent, plus ou moins réveillées. Une petite bise à tout le monde, un sourire, un mot gentil… Bon enfant, dit-on dans ces cas-là. Une équipe de la Télévision suisse alémanique est là, désireuse de suivre le groupe dans son périple nyonnais. Pas de problème, elles sont accessibles et fort bien disposées. Et puis Claire, la chanteuse de poche, les apprécie, les voisins d’outre-Sarine. Elle aimerait bien aller s’y produire plus souvent. Comme en Allemagne d’ailleurs. Musique d’avenir. Le présent, c’est embarquer le matériel. Plongée dans les sous-sols de l’ancienne usine Guigoz, direction l’antre des rockeuses. Sur la porte et sur les murs, des affiches improbables: «Le monde merveilleux de Chantal Goya», «Les extra-terrestres sont parmi nous», un vieux diplôme de patrouilleuse scolaire… Ironie et autodérision: le sérieux ne passera pas!

Phénomène médiatique
Quatorze heures quinze, une petite caravane de quatre ou cinq voitures s’ébranle. Le ciel pèse toujours autant: «J’espère qu’il va pleuvoir», confie Claire. Une heure plus tard, la petite équipe rejoint la plaine de l’Asse. Et là, tout s’enchaîne très vite. Les filles vont passer leur après-midi sous le feu des interviews, sous le crépitement des flashes. Toute leur après-midi! On se les arrache, on les bombarde de questions – d’une nullité parfois déconcertante! «Les journalistes s’interrogent sur des sujets qui ne nous ont jamais préoccupées.» Si ça les ennuie parfois, elles se prêtent pourtant de bonne grâce au petit jeu. Et répliquent toujours avec simplicité – leur marque de fabrique, humaine comme musicale – et humour. Sourire en prime. La presse est sous le charme. Dix-neuf heures, il ne pleut toujours pas. Enfin un peu de répit. Plus qu’une heure et demie à patienter. On papote, on boit du thé, on fume des clopes. La tension monte imperceptiblement. Peur? Pas vraiment. Ce festival ou celui de Promasens, au début du mois, elles assument: «Nous prenons les concerts les uns après les autres. Nous sommes évidemment contentes de jouer ici, mais ça n’est pas un rêve qui se réalise.» C’est juste un échelon de plus vers une reconnaissance plus large encore. Vingt heures, sound-check. On manque de temps, alors on s’énerve légèrement. La rage dans le regard noir de Claire. «J’ai fait un peu la pisseuse, j’aime pas ça», s’excusera-t-elle plus tard. Quinze minutes pour trouver ses repères, on lui pardonne volontiers. «Cinq minutes avant le début!» prévient-on. Une marée humaine déborde largement du Club Tent, la plus petite scène du Paléo. Au moins 2500 spectateurs, des adolescents mâles pour la plupart. Les filles sont également présentes, tout comme les «vieux». Leur pop-rock noisy est susceptible de toucher tout le monde. Pour peu qu’on n’ait pas trop peur pour ses tympans! C’est énergique, bruyant, très bruyant. Deux morceaux suffisent à Skirt pour être parfaitement au point. Encore que parfaitement ne soit pas l’adverbe. Leur musique est ainsi faite qu’elle s’enrichit de petites imperfections… «Elles savent même pas jouer de la guitare, mais faut bien reconnaître que ça passe», se désole un «vrai» musicien. Elles ont la pêche, elles sont mignonnes et authentiques… le public n’en demande pas davantage. Ça bouge, ça sautille, ça sue à grosses gouttes. Et même, ça frappe dans des mains! La sauce prend magnifiquement. «Yo! Ça arrache la tête ce truc», lâche un blanc-bec à son voisin qui n’arrive pas à décoller un regard torve des quatre furies. Après une grosse claque d’une heure, elles peuvent considérer leur mission comme bien remplie. Place alors à l’interlope Michel Houellebecq. C’est finalement lui qui fera pleurer le ciel! L’essentiel est qu’il ait plu.

Du repos avant tout
Retour en coulisses. Embrassades, congratulations, joie du «clan» Skirt. On n’escomptait apparemment pas un succès pareil. Et pourtant. Il faudra sans doute un peu de temps pour digérer tout ça. Et se reposer. Car elles sont à bout les filles: elles ont tourné tout l’été, sillonnant sans relâche, presque soir après soir, la Suisse et la France. Elles n’aspirent plus maintenant qu’à un brin de farniente bien mérité. Se ressourcer pour pouvoir repartir de plus belle sur la voie royale qu’elles ont encore contribué à s’ouvrir ce soir.

Patrick Pugin / 29 juillet 2000
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