La maison Mossu:
un rare exemple de menuiserie appliquée
(C. Haymoz)
Les
vieux murs sont la mémoire vivante dun village, les témoins impassibles
dheures graves ou heureuses. Maisons de maître, fermes, chapelles
Charmey abrite en son sein quelques bâtisses non seulement magnifiques,
mais aussi chargées dhistoire. Depuis deux semaines, habitants et visiteurs
peuvent (re)découvrir le village grâce à un parcours didactique mis
en place par le Musée du pays et val de Charmey. Au programme: une boucle
de près de deux heures, neuf monuments expliqués, un coup dil somptueux
sur les sommets gruériens, du Moléson aux Gastlosen. Ou quand culture
et grand air font bon ménage. La balade commence à lentrée est du village,
tout à côté de lOffice du tourisme. Première étape, le Clos Métral,
une ferme du XVIIIe siècle au beau décor sculpté. Le panneau explicatif
nous apprend quelle doit son nom à la fonction de Métral de Corbières
et de la Seigneurerie des Prez, occupée par un Charmeysan, Jacques Chappalley,
qui sera démis suite à un litige avec le préfet. Ensuite, direction
lautre bout du village, jusquau château de la Corbettaz. Un monument
témoin de la prospérité de léconomie fromagère au XVIIIe siècle. Prospérité
dont ne profitèrent que quelques familles de «barons», comme les Pettolaz,
propriétaires du château jusquen 1927. Une famille aujourdhui éteinte
faute de descendants masculins.
Chapelle
voyageuse
En face du château, la chapelle Saint-Pierre, fondée vers 1645
par lépouse dun autre «baron du fromage», Perret Fragnière. En 1866,
elle tombe dans le giron, elle aussi, de la famille Pettolaz. En 1988,
lors de la correction de la route cantonale, lédifice est déplacé de
cinq mètres. Anecdote: un membre de la famille Pettolaz, enterré à lépoque
sous la chapelle, se fait aujourdhui abondamment rouler dessus! Bonjour
le repos éternel. Honneur ensuite à la maison du Gros Plan. Cette «carrée»
seigneuriale de la fin du XVIIIe siècle est le symbole parfait de la
richesse du Charmey de cette période. Maçonnerie crépie, toit à quatre
pans à pli, deux étages, caves voûtées
Ce marchand de fromage encore
un Pettolaz désirait une propriété digne des aristocrates, et il la
eue. Suite de la visite au hameau du Pra où se dresse la chapelle Saint-Jean
Baptiste, construite en 1633. Une année plus tard, alors que sévit la
peste, les offices religieux sy célèbrent: on avait peur daller à
léglise paroissiale. Cette chapelle est remarquable par lampleur du
décor peint. Quinze scènes de la vie du Baptiste ornent les murs, fleurs
et angelots décorent les fenêtres. Le plafond, quant à lui, porte des
médaillons maniéristes raffinés. Le retable est consacré à saint Louis
(du nom du fondateur de la chapelle, Louis Fragnière), saint Jean-Baptiste
et saint Roch (invoqué durant les pestes). Le bâtiment est aujourdhui
la chapelle mortuaire des Charmeysans.
La
maison des mères
Poursuivant son chemin, on se dirige, à travers champs, vers le
Liderrey. Là-bas se trouve la ferme du Clos es Donnes (la maison des
mères en patois). Typiquement gruérienne, cette ferme a, selon la légende,
abrité les femmes enceintes alors que sévissait la peste. La porte de
la grange est surmontée dun linteau portant linscription: Chollet
Pettolaz 1822. A croire que cette famille possédait tout Charmey! On
sait que non lorsque, revenant vers le village, on tombe sur la maison
Mossu. La façade à décor sculpté de cette vaste demeure de 1716 est
un rare exemple de menuiserie appliquée. La famille Mossu, aujourdhui
éteinte, est peut-être la plus ancienne de Charmey: des documents prouvent
quelle existait déjà à la fondation de Fribourg! Cap enfin sur Feiguières.
Car avant que Charmey ne soit Charmey, il sappelait Feiguières (Feigeires
en 1375, Feydeires en 1478, Feygueres en 1514, la ville de Feyguieres
en 1549, etc.) Cest là que se tient lultime étape de ce voyage dans
le temps: la ferme du Clos. Cet ouvrage double à toit Mansart rustique
en bois sur un rez en maçonnerie date de 1762. Le premier occupant fut
François Niquille dont les enfants sillustrèrent au XVIIIe siècle,
prenant partie pour les idées révolutionnaires. Lun deux, Jean-Joseph,
alla jusquà réclamer la guillotine à Charmey: il voulait étêter quelques
patriciens! Arrêté, il fut interdit de cabaret et condamné à recevoir
des leçons de bonne conduite par un ecclésiastique. Cette famille illustre
parfaitement la lassitude des Charmeysans, à la fin du XVIIIe siècle,
à légard du patriciat fribourgeois qui dirige le pays par lentremise
du bailli de Corbières. Le commerce du fromage sur le marché de Lyon
et lengagement de nombreux hommes de la région au service des rois
de France lont ouverte aux idées nouvelles. On rêvait, ici aussi, de
liberté et dégalité.
Visite
commentée
Si lon est plus curieux encore et friands danecdotes, on peut
choisir une autre solution. Chaque vendredi, jusquau 25 août, le Musée
du pays et val de Charmey propose une visite guidée du parcours (départ
à 9 h 30 de lOffice du tourisme). Mais que lon soit seul ou accompagné,
peu importe. Cette découverte de Charmey, ne serait-ce que pour la balade
bucolique, vaut largement le détour.
Renseignements
au 927 55 80