Editorial
Sommet d’Okinawa

Le G8 et le GFaim

Les huit grands de ce monde veulent «humaniser la mondialisation». C’est du moins l’ambition qu’ils ont affichée au sommet d’Okinawa. Ils ont fêté avec émotion le petit nouveau Vladimir Poutine et l’adieu au vétéran Bill Clinton. Le premier a pu montrer ses talents de judoka, le second sa fille Chelsea. Serait-ce cela «humaniser la mondialisation»? Pas seulement. Le G8 s’est aussi engagé à «attaquer à la racine les causes des conflits et de la pauvreté». La racine, c’est la dette des pays les plus pauvres. C’est l’accès de ces pays aux marchés occidentaux. Ce sont encore les maladies infectieuses (sida, paludisme, tuberculose). C’est enfin le fossé numérique qui caractérise l’accès aux nouveaux moyens de communication. Les huit grands se sont convenus, à grands renforts de mots, de soulager tous ces maux. Malheureusement, ils n’ont allié que l’indigeste à la parole. L’année jubilaire ne se transformera pas en année jubilatoire pour les pays qui opposent leur «GFaim» au G8. La remise de la dette est remise à plus tard. Et tant pis si l’annulation du sommet d’Okinawa aurait permis à elle seule d’effacer la dette de certains pays africains. Quant à la proposition du premier ministre canadien, Jean Chrétien, d’augmenter de 5 à 10% l’aide au développement, elle a été jugée incongrue en période électorale américaine. Bref, tout ce petit monde était surtout content de se retrouver entre gens de qualité pour parler de ses petits problèmes et de ses petits intérêts. D’ailleurs, quelle autre utilité pourrait avoir un groupe qui réunit les pays les plus industrialisés du monde? Symptomatique est l’intérêt porté aux nouveaux moyens de communication. Leur propagation dans les pays en voie de développement est d’abord une promesse de nouveaux marchés pour les pays industrialisés. Etonnamment, le dossier de l’ouverture des marchés agricoles, où l’attente vient surtout des pays du Sud, piétine dans les rounds de négociations de l’OMC. Mais alors, en quoi les huit grands ont-ils vraiment répondu à leur vœu d’humaniser la mondialisation? Les belles promesses, c’est humain. Tellement humain.

Philippe Castella / 25 juillet 2000
I Les titres I Editorial I Sports