Projets à Rossens

Le médiéval revient au galop

Deux projets complémentaires pourraient voir le jour à Rossens. Un parc d’attractions médiéval au bord de l’autoroute, et, non loin de là, un spectacle son et lumière aux ruines d’Illens. Ou comment le village se fait rattraper par son chevaleresque passé.


Le château d’Illens, en ruine aujourd'hui, sera-t-il bientôt réhabilité comme
le souhaitent des passionnés de Moyen Age? (C. Haymoz)

Cinq associés genevois sont à la recherche de 15 hectares en Suisse romande pour réaliser leur projet de parc d’attractions médiéval. Un projet ambitieux, présenté il y a peu dans Le Nouvelliste et devisé à plusieurs dizaines de millions de francs. Le parc devrait générer 200 emplois en moyenne, avec des fluctuations entre la belle saison et la période creuse! Quatre communes sont sur les rangs pour décrocher cette poule aux œufs d’or moyenâgeuse: la Fribourgeoise Rossens, la Valaisanne Saint-Maurice, les Vaudoises Aigle et Bex. Leurs points communs: un accès direct à l’autoroute et des terrains disponibles. Le verdict tombera à fin septembre, après un ultime tour des quatre sites candidats.

Les atouts de Rossens
A Rossens, les promoteurs ont en vue des parcelles situées à proximité du terrain de foot. «C’est le site où l’on nous propose le plus grand nombre d’hectares», note Christian Bourgeois, l’un des initiateurs du projet. Les autorités communales suivent le dossier de près, même si la prudence reste de mise aux yeux du syndic Jacques Crausaz: «Ce projet a un indéniable intérêt économique et touristique pour notre région. Nous sommes en train de l’analyser, au niveau de son impact et de sa faisabilité.» Les chances de Rossens? Disons que le village sarinois a plusieurs atouts dans sa manche par rapport à ses concurrents, tous localisés dans une région – le Chablais – déjà largement servie en parcs de loisirs. Plus proche de la Suisse alémanique, Rossens est en outre à quelques encablures seulement de sites médiévaux tels que Gruyères et l’île d’Ogoz. Un désavantage tout de même: le parc engendrera des nuisances pour les habitants du village domiciliés à proximité. Si le financement aboutit – la recherche de fonds est en cours – le parc à thème ouvrira ses portes progressivement à partir de 2002. Ce serait le premier de ce type en Suisse. «Nous voulons pousser le réalisme au maximum, si bien que les visiteurs feront un bond de 900 ans en arrière», résume Christian Bourgeois. Sur le papier, il est vrai, le parc en jette. Le projet prévoit de recréer un village médiéval, avec pont-levis, rue marchande, taverne et autres bâtisses, dont un donjon en bois, une chapelle et un cloître consacré à l’histoire suisse. Une grotte servira à évoquer les contes et légendes d’ici et d’ailleurs.

Vitrine de la région
Il y aura aussi des attractions pour les enfants et des animations liées au Moyen Age – un marché, des cascades à cheval et des reconstitutions de scènes d’époque. Le parc entend aussi faire redécouvrir des métiers artisanaux (cordonnier, forgeron, vannier, bijoutier, potier, armurier, tisserand, herboriste…) et proposer des tours de la région en char à banc. Le tout nécessiterait la construction d’un parking pouvant contenir 1000 voitures et 30 cars. Christian Bourgeois: «Nous voulons devenir la vitrine de la région que nous choisirons. Nous travaillerons donc avec les entreprises et les artisans locaux.» En compagnie de ses amis du même âge – la trentaine – tous passionnés de Moyen Age, ce Genevois est tombé sous le charme des ruines d’Illens, à Rossens, qui pourraient aussi accueillir un jour des spectacles médiévaux. Mais ceci est un autre projet (lire ci-dessous). Le groupe de Christian Bourgeois travaille sur son idée de parc d’attractions depuis plusieurs années. Leur société en formation, Ars Nova SA, disposera sous peu d’un business plan. Mais le gros morceau consistera encore à réunir l’argent nécessaire. Quant à l’intérêt du public, le succès enregistré par des parcs médiévaux similaires en Europe a de quoi rassurer les jeunes entrepreneurs.

La fête au cœur des ruines
Redonner son lustre au château d’Illens, propriété de Rossens depuis 1914, ancien bailliage, seigneurie et siège d’une commune! C’est l’ambition affichée par un groupe de passionnés du Moyen Age qui gravitent autour de la Fondation des chevaliers de Rondmons (l’ancien nom de Romont). Emmenés par leur président Pierre Bertherin, de Vuisternens-devant-Romont, ils vont organiser à Illens une fête médiévale durant le week-end du 2 septembre 2001. Au programme: animations par des troubadours et des figurants, menu au sanglier et autres spécialités culinaires… «L’idée est née il y a trois ou quatre ans dans le sillage de la Grande Coraule», se souvient Pierre Bertherin, qui préside en outre le Groupe des coraules de Bulle. Séduit par le site lors du jeu de rôle grandeur nature organisé en août dernier, le groupe d’amateurs de danses folkloriques, aujourd’hui une trentaine, a alors jeté son dévolu sur Illens. Au-delà de cette première étape, le projet entend mettre en valeur les ruines et préserver l’accès public du château. Voilà pourquoi une séance vient de réunir sur place, le 30 juin, le président de la Commission fédérale des monuments historiques Bernhard Furrer, l’archéologue cantonal François Guex et le conservateur des Biens culturels Claude Castella. Ce dernier se dit favorable à la fête: «Il faut ce genre de manifestations, si on les organise en prenant les précautions nécessaires, afin d’attirer l’intérêt du public sur ce site pittoresque méconnu.»

Comme au Puy du Fou
Mais Claude Castella, comme ses collègues, est beaucoup plus réservé quant à la reconstruction envisagée à moyen terme. «Nous n’avons pas de document fiable pour le faire et ça irait, en outre, à l’encontre de la déontologie. Une intervention trop lourde dénaturerait le site.» Une querelle de vocabulaire sépare les experts, qui parlent de ruines, et la fondation, pour laquelle il s’agit d’un château! La commune de Rossens, approchée au début de l’année, a pour sa part donné un préavis favorable et présenté ce printemps une information en assemblée. Pour la fête médiévale, les abords du site seront nettoyés, le chemin et l’esplanade aménagés en conséquence. Après, mais pas avant 2002, le projet prévoit l’organisation en plein air d’un spectacle nocturne historique, dit «cinéscénie». Un peu à l’image, toutes proportions gardées, des fresques grandioses du Puy du Fou, en Vendée. Gradin, scène naturelle, son, lumière, narrateur au phrasé poétique, figurants en cotte de maille ou en costumes garantis d’époque: le tout au service de différents tableaux évoquant – c’est encore une ébauche – la fondation de Fribourg, la chute d’Illens et les guerres de Bourgogne, la vie paysanne, l’invasion française, l’émigration vers Nova Friburgo… Une telle «cinéscénie» ne sera possible qu’en obtenant un droit de superficie de la part de la commune. L’objectif ultime de la fondation, qui a en particulier pour but de constituer un fonds pour la rénovation de châteaux, est donc de réhabiliter celui d’Illens. Un site en bordure de falaise, perché au-dessus de la Sarine, où fut construit au XIIe siècle un château fort qui n’allait pas survivre aux guerres de Bourgogne. Vers 1450, la noble famille de Guillaume de La Baume érigea un nouvel édifice, un élégant manoir de campagne haut de quatre étages, dont les murs sont encore debout aujourd’hui.

Site internet prévu
Afin de financer leur rêve, les «chevaliers d’Illens», du nom qu’ils ont pris en mars dernier, ne manquent pas d’idées. Comme l’explique le Gruérien Philippe Egger, un site internet (heralding) est en préparation, avec la volonté de devenir le portail de référence des amoureux de la légende dorée du Moyen Age. D’autre part, Pierre Bertherin a dessiné et déposé devant notaire une série de blasons originaux. Ainsi, chacun pourra acheter son titre de valeureux chevalier. Les exigences pour être adoubé? Soit donner de sa personne, en travaillant sur place ou d’une autre manière, soit débourser des espèces sonnantes et trébuchantes…

S&ecute;bastien Julan / 25 juillet 2000
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