EXPÉDITION ARKTOS Mike Horn

Un aventurier qui s’adapte

Demain, cela fera deux ans que Mike Horn marche, skie et navigue sur le cercle polaire. Le compte à rebours de son site internet n’indique plus que 2590 km avant son arrivée au cap Nord, prévue à la fin du mois de septembre. Coup de fil par satellite.


Mike Horn: «Je me réjouis de mon retour pour pouvoir partager mes expériences et mes émotions»

 

Le 4 août 2002, Mike Horn quittait le cap Nord, en Norvège. Deux ans plus tard, le froid extrême, parfois jusqu’à –60°C, les ours polaires, les entraves bureaucratiques et autres difficultés ne sont pas venus à bout de la volonté de l’aventurier des Moulins. Après plus de 23000 kilomètres en voilier, à pied, à skis ou encore en kayak, il se rapproche de son point de départ. Le terme de son expédition sur le cercle polaire baptisée Arktos est prévu pour la fin du mois de septembre. Quelques impressions via son téléphone par satellite.

– Vous êtes entré dans la toute dernière étape de votre périple. Comment vous sentez-vous?
Ça va très bien en ce moment. Les conditions sont idéales pour avancer. La température se situe entre 5 et 12°C. En ligne droite, mon GPS dit qu’il me reste environ 1800 km jusqu’au cap Nord. J’ai juste deux ou trois petits problèmes avec les Russes et leurs zones fermées.

– Quels genres d’ennuis?
Tous ces petits villages que je traverse, on ne peut pas y aller en tant que touriste. J’ai besoin d’un permis spécial qui atteste que je peux passer. Les villages se le transmettent par fax. Mais quand l’un d’entre eux n’a pas reçu le message, les gardes-frontières me prennent pour un espion et m’arrêtent. Je ne leur en veux pas, ils ne font que leur boulot. Et maintenant, j’ai tellement l’habitude que je ne m’énerve même plus.

– Qu’est-ce qui vous attend d’ici votre arrivée en Norvège?
La suite est toute simple. Je dois d’abord traverser un bout de toundra. Je pourrai ainsi rejoindre la rivière que je veux suivre jusqu’à la mer de Barent. Je longerai ensuite la côte avec mon kayak de mer. La traversée de la mer Blanche se fera en revanche à bord d’un petit voilier. Donc, si tout se passe bien, je ne devrais plus quitter l’eau.

– Et si la météo n’est pas de votre côté?
Je laisserai mon kayak pour retourner dans la toundra avec mon sac à dos. Ce type d’embarcation devient trop dangereux si le vent soulève des vagues importantes. La mer est froide et si tu tournes une fois, l’expé est finie. Il faut que je fasse gaffe maintenant: tout le monde est très excité parce que j’arrive au bout. Avec cette agitation, je dois faire attention à ne pas commettre d’erreur pour avancer plus vite.

– Votre tour du monde sur le cercle polaire s’est prolongé de plusieurs mois. Est-ce que vous repartiriez en le sachant?
J’avais prévu 18 à 20 mois. J’ai été bloqué trois mois au Canada pour des autorisations manquantes. Si on déduit ce temps d’attente, l’expédition ne s’est pas prolongée de beaucoup. Et c’est quoi trois mois dans une vie? Pour moi, mon attente au Canada n’était pas du temps perdu. J’ai appris à connaître la toundra et les produits qu’on y trouve. Et surtout, j’ai étudié les bases du russe qui m’aident beaucoup actuellement. Quand les habitants me voient arriver, ils croient toujours que je suis un espion. Mais dès que tu commences à parler leur langue, ils sont supergentils. Ils partagent volontiers le peu qu’ils ont. C’est aussi une grande leçon de vie.

– Est-ce que vous êtes inquiet de votre prochain retour à la «civilisation»?
Je suis tous les jours tout seul. Je vais certainement avoir un choc de me retrouver avec des gens. Et on vit dans un monde fou où tout va tellement vite. Je pense que les voitures, les natels, les télévisions auront beaucoup changé. Tout ça me fait un peu peur, mais je suis quelqu’un qui s’adapte facilement à tout. (rires)

– De quoi vous réjouissez-vous le plus à votre retour en Suisse?
De pouvoir partager tout ce que j’ai vécu. Quand tu es seul et que tu observes des choses, il n’y a personne à qui tu peux demander «Tu as ressenti ça? Tu as vu ces couleurs?» Je me réjouis de pouvoir parler de toutes mes expériences.

– A la fin de Latitude 0°, vous aviez avoué avoir eu envie de retarder votre arrivée par crainte du vide qui suit le terme d’une expédition. Est-ce à nouveau le cas?
Après deux ans, j’ai vraiment envie de rentrer à la maison, de retrouver ma famille, de revoir mes filles, d’aller boire une bière avec mes potes, de fermer une porte… Tirer la fermeture Eclair de ma tente tous les jours n’est pas drôle non plus. Je ne peux pas dire que j’ai besoin de beaucoup le confort, je suis content avec peu, mais si on peut avoir légèrement mieux, après deux ans, pourquoi pas?

– Quand vous transpiriez sur l’équateur, durant Latitude 0°, vous rêviez déjà d’Arktos et des vents glaciaux du Nord. Est-ce que vous avez déjà des idées pour la suite de vos aventures?
Mon prochain projet, c’est d’essayer de rester un peu à la maison. J’ai passé le cap des 38 ans il y a deux semaines, j’arrive à un âge où des expéditions de deux ans et de plus de 20000 km deviennent longues. Et jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas ménagé mon corps. Je l’ai beaucoup fait travailler en tirant ma luge (n.d.l.r.: entre 130 et 180 kilos). Je vais désormais adapter mes expéditions. Quelques projets me trottent déjà dans la tête, dont peut-être une expédition qui mélange toutes mes expériences.

 

«Enfin je ne serai plus seule»

Depuis deux ans, Cathy Horn s’active à coordonner l’expédition de son mari Mike. Logistique, ravitaillements, communication, la jeune femme s’occupe de tout depuis son chalet du Pays-d’Enhaut. Et l’approche du terme d’Arktos lui donne encore plus de travail puisqu’il faut tout préparer pour l’arrivée et le retour de l’aventurier. «Bien sûr, je suis très impatiente de retrouver Mike», observe-t-elle dans un français teinté de notes anglaises apportées de sa Nouvelle-Zélande natale. «Mais il y a tellement de choses à faire avant.»

Retour à la vie de famille
Entre les rencontres avec les sponsors, les téléphones des médias et la vie de famille avec ses deux filles, Cathy Horn n’a pas trop le temps de penser au prochain retour de Mike à la maison. «Après sa dernière expédition, il a fallu à peine deux jours à Mike pour se réadapter. Il en aura peut-être besoin de quatre cette fois puisqu’il a été absent six mois de plus.»
L’après-Arktos n’a pas l’air de trop l’inquiéter: «Le travail va continuer. Et enfin je ne serai plus seule», se réjouit la jeune femme, en soufflant que la solitude lui pèse. «Mon souci sera plutôt de préserver des moments de calme, de pouvoir retrouver une vie de famille pour nos enfants.» Il n’y aura pas de place pour le vide une fois de retour en Suisse. Conférences, diaporamas, rencontres… Les sollicitations seront nombreuses pour l’aventurier des Moulins.
Des projets d’avenir? «Je veux que Mike puisse continuer ce métier qu’il aime, mais nous trouverons une autre manière de faire. Ce serait bien qu’il passe plus de temps à la maison. Nos filles, âgées de 8 et 10 ans, ont besoin de leur papa.»

Les étapes du périple


Mike Horn espère terminer son périple à la fin du mois de septembre. Voici un aperçu de l’itinéraire qu’il a déjà parcouru:

• 4 août 2002. Début du tour du monde sur le cercle polaire depuis le cap Nord. Mike Horn embarque sur son voilier pour rejoindre le Groenland.
• 18 août 2002. Après 13 jours, alors qu’il avait prévu un mois, l’aventurier touche la côte groenlandaise. Il chausse alors ses skis et traverse le pays à l’aide de son cerf-volant de traction. Et arrive sur la côte ouest le vendredi 13 septembre.
• 30 septembre 2002. Bloqué par la glace. Après deux mois d’attente à Arctic Bay, Mike Horn troque son voilier contre les skis pour poursuivre sa traversée du Nord-Ouest canadien.
• 10 janvier 2003. La tente de l’aventurier part en fumée, alors qu’il changeait la bouteille de fuel sous pression de son réchaud. Son sac de couchage, sa veste en duvet et ses cartes disparaissent, mais il parvient à sauver son GPS et son téléphone grâce auquel il pourra appeler les secours.
• 29 juin 2003. Dix mois après avoir posé le pied sur le sol canadien, Mike Horn franchit la ligne qui sépare ce pays de l’Alaska. Les embûches n’ont pas manqué, à commencer par les gros détours que le manque de glace l’a obligé à faire, allongeant son voyage de cinq mois.
• 21 août 2003. L’aventurier prend la direction de la Sibérie, à bord de son voilier. Il devra néanmoins rebrousser chemin un mois plus tard et attendre au Canada que l’autorisation pour traverser cette région russe soit délivrée.
• 26 novembre 2003. Permission en poche, le Damounais retourne en Sibérie et c’est dûment accompagné qu’il peut traverser la région du Chukotka.
• 26 janvier 2004. Mike est sur le chemin du retour: son GPS indique à nouveau l’Est.
• 4 mai 2004. Après quelques jours passés avec sa femme et ses filles qu’il n’avait pas revues depuis près de sept mois, Mike Horn quitte Tiksi, toujours les skis aux pieds. Grâce à son cerf-volant de traction, il atteint des pointes à plus de 40 km/h.
• 12 juillet 2004. L’aventurier des Moulins peut poursuivre son aventure à la rame, à bord de son kayak. La fonte des neiges et de la glace l’ont auparavant obligé à jouer les funambules sur les pipelines traversant les plaines marécageuses de Sibérie.
• 1er août 2004. Après avoir réussi la traversée de l’Obskafa Guba à bord de son kayak, l’aventurier s’apprête à rejoindre à pied l’embouchure où la rivière Yuribei rencontre l’océan Arctique, à 170 km d’où il se trouve actuellement.

Propos recueillis par
Sophie Roulin
3 août 2004

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