Le 4 août 2002, Mike Horn quittait le cap Nord, en Norvège.
Deux ans plus tard, le froid extrême, parfois jusquà
60°C, les ours polaires, les entraves bureaucratiques et autres
difficultés ne sont pas venus à bout de la volonté
de laventurier des Moulins. Après plus de 23000 kilomètres
en voilier, à pied, à skis ou encore en kayak, il se rapproche
de son point de départ. Le terme de son expédition sur
le cercle polaire baptisée Arktos est prévu pour la fin
du mois de septembre. Quelques impressions via son téléphone
par satellite.
Vous êtes entré dans la toute dernière étape
de votre périple. Comment vous sentez-vous?
Ça va très bien en ce moment. Les conditions sont
idéales pour avancer. La température se situe entre 5
et 12°C. En ligne droite, mon GPS dit quil me reste environ
1800 km jusquau cap Nord. Jai juste deux ou trois petits
problèmes avec les Russes et leurs zones fermées.
Quels genres dennuis?
Tous ces petits villages que je traverse, on ne peut pas y aller
en tant que touriste. Jai besoin dun permis spécial
qui atteste que je peux passer. Les villages se le transmettent par
fax. Mais quand lun dentre eux na pas reçu
le message, les gardes-frontières me prennent pour un espion
et marrêtent. Je ne leur en veux pas, ils ne font que leur
boulot. Et maintenant, jai tellement lhabitude que je ne
ménerve même plus.
Quest-ce qui vous attend dici votre arrivée en Norvège?
La suite est toute simple. Je dois dabord traverser un bout
de toundra. Je pourrai ainsi rejoindre la rivière que je veux
suivre jusquà la mer de Barent. Je longerai ensuite la
côte avec mon kayak de mer. La traversée de la mer Blanche
se fera en revanche à bord dun petit voilier. Donc, si
tout se passe bien, je ne devrais plus quitter leau.
Et si la météo nest pas de votre côté?
Je laisserai mon kayak pour retourner dans la toundra avec mon
sac à dos. Ce type dembarcation devient trop dangereux
si le vent soulève des vagues importantes. La mer est froide
et si tu tournes une fois, lexpé est finie. Il faut que
je fasse gaffe maintenant: tout le monde est très excité
parce que jarrive au bout. Avec cette agitation, je dois faire
attention à ne pas commettre derreur pour avancer plus
vite.
Votre tour du monde sur le cercle polaire sest prolongé
de plusieurs mois. Est-ce que vous repartiriez en le sachant?
Javais prévu 18 à 20 mois. Jai été
bloqué trois mois au Canada pour des autorisations manquantes.
Si on déduit ce temps dattente, lexpédition
ne sest pas prolongée de beaucoup. Et cest quoi trois
mois dans une vie? Pour moi, mon attente au Canada nétait
pas du temps perdu. Jai appris à connaître la toundra
et les produits quon y trouve. Et surtout, jai étudié
les bases du russe qui maident beaucoup actuellement. Quand les
habitants me voient arriver, ils croient toujours que je suis un espion.
Mais dès que tu commences à parler leur langue, ils sont
supergentils. Ils partagent volontiers le peu quils ont. Cest
aussi une grande leçon de vie.
Est-ce que vous êtes inquiet de votre prochain retour à
la «civilisation»?
Je suis tous les jours tout seul. Je vais certainement avoir un
choc de me retrouver avec des gens. Et on vit dans un monde fou où
tout va tellement vite. Je pense que les voitures, les natels, les télévisions
auront beaucoup changé. Tout ça me fait un peu peur, mais
je suis quelquun qui sadapte facilement à tout. (rires)
De quoi vous réjouissez-vous le plus à votre
retour en Suisse?
De pouvoir partager tout ce que jai vécu. Quand tu
es seul et que tu observes des choses, il ny a personne à
qui tu peux demander «Tu as ressenti ça? Tu as vu ces couleurs?»
Je me réjouis de pouvoir parler de toutes mes expériences.
A la fin de Latitude 0°, vous aviez avoué avoir eu envie
de retarder votre arrivée par crainte du vide qui suit le terme
dune expédition. Est-ce à nouveau le cas?
Après deux ans, jai vraiment envie de rentrer à
la maison, de retrouver ma famille, de revoir mes filles, daller
boire une bière avec mes potes, de fermer une porte
Tirer
la fermeture Eclair de ma tente tous les jours nest pas drôle
non plus. Je ne peux pas dire que jai besoin de beaucoup le confort,
je suis content avec peu, mais si on peut avoir légèrement
mieux, après deux ans, pourquoi pas?
Quand vous transpiriez sur léquateur, durant Latitude 0°,
vous rêviez déjà dArktos et des vents glaciaux
du Nord. Est-ce que vous avez déjà des idées pour
la suite de vos aventures?
Mon prochain projet, cest dessayer de rester un peu
à la maison. Jai passé le cap des 38 ans il y a
deux semaines, jarrive à un âge où des expéditions
de deux ans et de plus de 20000 km deviennent longues. Et jusquà
aujourdhui, je nai pas ménagé mon corps. Je
lai beaucoup fait travailler en tirant ma luge (n.d.l.r.: entre
130 et 180 kilos). Je vais désormais adapter mes expéditions.
Quelques projets me trottent déjà dans la tête,
dont peut-être une expédition qui mélange toutes
mes expériences.
«Enfin
je ne serai plus seule»
Depuis deux ans,
Cathy Horn sactive à coordonner lexpédition
de son mari Mike. Logistique, ravitaillements, communication, la jeune
femme soccupe de tout depuis son chalet du Pays-dEnhaut.
Et lapproche du terme dArktos lui donne encore plus de travail
puisquil faut tout préparer pour larrivée
et le retour de laventurier. «Bien sûr, je suis très
impatiente de retrouver Mike», observe-t-elle dans un français
teinté de notes anglaises apportées de sa Nouvelle-Zélande
natale. «Mais il y a tellement de choses à faire avant.»
Retour à
la vie de famille
Entre les rencontres avec les sponsors, les téléphones
des médias et la vie de famille avec ses deux filles, Cathy Horn
na pas trop le temps de penser au prochain retour de Mike à
la maison. «Après sa dernière expédition,
il a fallu à peine deux jours à Mike pour se réadapter.
Il en aura peut-être besoin de quatre cette fois puisquil
a été absent six mois de plus.»
Laprès-Arktos na pas lair de trop linquiéter:
«Le travail va continuer. Et enfin je ne serai plus seule»,
se réjouit la jeune femme, en soufflant que la solitude lui pèse.
«Mon souci sera plutôt de préserver des moments de
calme, de pouvoir retrouver une vie de famille pour nos enfants.»
Il ny aura pas de place pour le vide une fois de retour en Suisse.
Conférences, diaporamas, rencontres
Les sollicitations
seront nombreuses pour laventurier des Moulins.
Des projets davenir? «Je veux que Mike puisse continuer
ce métier quil aime, mais nous trouverons une autre manière
de faire. Ce serait bien quil passe plus de temps à la
maison. Nos filles, âgées de 8 et 10 ans, ont besoin de
leur papa.»
Les
étapes du périple
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Mike Horn
espère terminer son périple à la fin du
mois de septembre. Voici un aperçu de litinéraire
quil a déjà parcouru:
4 août 2002. Début du tour du monde sur le
cercle polaire depuis le cap Nord. Mike Horn embarque sur son
voilier pour rejoindre le Groenland.
18 août 2002. Après 13 jours, alors
quil avait prévu un mois, laventurier touche
la côte groenlandaise. Il chausse alors ses skis et traverse
le pays à laide de son cerf-volant de traction.
Et arrive sur la côte ouest le vendredi 13 septembre.
30 septembre 2002. Bloqué par la glace.
Après deux mois dattente à Arctic Bay, Mike
Horn troque son voilier contre les skis pour poursuivre sa traversée
du Nord-Ouest canadien.
10 janvier 2003. La tente de laventurier
part en fumée, alors quil changeait la bouteille
de fuel sous pression de son réchaud. Son sac de couchage,
sa veste en duvet et ses cartes disparaissent, mais il parvient
à sauver son GPS et son téléphone grâce
auquel il pourra appeler les secours.
29 juin 2003. Dix mois après avoir posé
le pied sur le sol canadien, Mike Horn franchit la ligne qui
sépare ce pays de lAlaska. Les embûches nont
pas manqué, à commencer par les gros détours
que le manque de glace la obligé à faire,
allongeant son voyage de cinq mois.
21 août 2003. Laventurier prend la
direction de la Sibérie, à bord de son voilier.
Il devra néanmoins rebrousser chemin un mois plus tard
et attendre au Canada que lautorisation pour traverser
cette région russe soit délivrée.
26 novembre 2003. Permission en poche, le Damounais
retourne en Sibérie et cest dûment accompagné
quil peut traverser la région du Chukotka.
26 janvier 2004. Mike est sur le chemin du retour:
son GPS indique à nouveau lEst.
4 mai 2004. Après quelques jours passés
avec sa femme et ses filles quil navait pas revues
depuis près de sept mois, Mike Horn quitte Tiksi, toujours
les skis aux pieds. Grâce à son cerf-volant de
traction, il atteint des pointes à plus de 40 km/h.
12 juillet 2004. Laventurier des Moulins
peut poursuivre son aventure à la rame, à bord
de son kayak. La fonte des neiges et de la glace lont
auparavant obligé à jouer les funambules sur les
pipelines traversant les plaines marécageuses de Sibérie.
1er août 2004. Après avoir réussi
la traversée de lObskafa Guba à bord de
son kayak, laventurier sapprête à rejoindre
à pied lembouchure où la rivière
Yuribei rencontre locéan Arctique, à 170
km doù il se trouve actuellement.
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