A lire les réactions
contradictoires, le bon sens pourrait laisser supposer que laccord
auquel est laborieusement parvenue lOrganisation mondiale du commerce
(OMC) nest pas mauvais. Dun côté les organisations
paysannes suisses qui pestent contre un «accord déséquilibré»,
de lautre des milieux économiques qui ny voient que
le «minimum absolu». Entre deux, les organisations tiermondistes
qui pensent que ce compromis sest fait sur le dos des pays en
développement
Il eut été troublant quà lissue de
ces négociations marathon tout le monde criât victoire.
Car lOMC, cest la guerre, essentiellement commerciale, mais
une guerre tout de même. Et les enjeux sont si énormes
quon peine à imaginer un gentil compromis, satisfaisant
le cotonier texan, lindustriel belge et le céréalier
français. On peut maudire le nécessaire concensus que
sest imposé lOMC mais on peut aussi estimer que labsence
dOMC signifierait le retour dune loi de la jungle.
Laccord décroché in extremis samedi soir à
Genève nest donc pas aussi «historique» que
les responsables veulent bien le clamer. Il sauve les apparences dun
bateau, lancé à la mer en 1995 et qui avait failli couler
à Cancun lan passé. Laccord de Genève
est suffisamment vague pour contenter et mécontenter
tout le monde
Le cadre dessiné par les 147 pays membres
a habilement évité de fixer des calendriers contraignants
et daligner des chiffres précis. Cette plate-forme minimale
marque le début dune nouvelle négociation, plus
difficile encore car il sagira de mettre en mesure des déclarations
dintentions. Et comme le dit le délégué du
Conseil fédéral, «le diable se cache dans les détails».
Les paysans helvétiques nont pas attendu de connaître
la nature de ce diable pour ne voir dans laccord genevois quun
nouvel enfer. Compréhensible est cette vive réaction dun
secteur qui a limpression davoir déjà beaucoup
sacrifié sur lautel des marchés. Mais il semble
que la Suisse a su préserver ses intérêts et introduire
de la flexibilité dans un mouvement inéluctable.
Pour Joseph Deiss et sa délégation, il sagissait
de défen-dre une agriculture qui na rien de commun avec
celles des gros exportateurs. Il restera désormais à faire
valoir, parmi les détails du diable, les fonctions sociale et
écologique dune agriculture qui joue, en raison de son
contexte géographique et historique, dans une autre catégorie.
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