Daniel
Paradis cultive cette ambivalence qui habite souvent les sportifs dexception.
A la ville, le facteur peine à se départir de sa timidité.
Dans les montagnes, le vététiste se transforme en redoutable
compétiteur. Pour preuve, le Vuadensois vient daccrocher
une deuxième victoire sur le Grand Raid Verbier-Grimentz à
son palmarès. Avant de prendre part cet après-midi à
la 14e édition de lOpen Bike Haute-Gruyère, à
Grandvillard, le Vuadensois décortique quel-ques facettes de
son sport.
Daniel Paradis, le VTT jouit-il dans notre pays de la médiatisation
quil mérite?
Certaines régions manifestent davantage dintérêt
pour le VTT que dautres. Sur terre fribourgeoise, la discipline
est assez bien suivie par les médias. Au niveau de la télévision,
comparativement au cyclisme sur route, le bât blesse. Ce phénomène
sexplique par les budgets engagés, nettement inférieurs
sur les épreuves de VTT. Néanmoins, cela fait deux ans
que le Grand Raid Verbier-Grimentz est retransmis en direct. La TSR
est très satisfaite des taux daudience, preuve quil
y avait une attente.
Peut-on vivre du VTT dans notre pays?
Une poignée de coureurs, comme le Zurichois Thomas Frischknecht
[n.d.l.r.: champion du monde de marathon il y a deux semaines au Tessin]
ou le Bernois Christoph Sauser [n.d.l.r.: médaillé de
bronze en cross-country aux Mondiaux de Sydney en 2000], véritables
professionnels, y parviennent. Mais la plupart des coureurs vivotent.
Personnellement, je suis obligé de travailler à mi-temps
comme facteur pour avoir un salaire de base. Sinon, jarrondis
les fins de mois grâce aux primes que je peux remporter sur des
courses.
Comment expliquez-vous lémergence de nombreux vététistes
gruériens au sein de lélite suisse?
Cest un phénomène propre à notre région.
En Gruyère, les sportifs sont légion et touchent à
toutes les disciplines. Une bonne partie dentre eux pratique la
peau de phoque lhiver et du VTT, du vélo de route ou de
la course à pied lété. Après, certains
se fixent des objectifs, comme la Patrouille des Glaciers, le Grand
Raid ou Sierre-Zinal. Par conséquent, de nombreux Gruériens
convergent sur ces grands événements. Sans parler des
courses régionales, très nombreuses. Ce phénomène
crée une certaine émulation chez les jeunes, qui se lancent
dans les sports dendurance. Et plus la base est grande, plus il
y a de chances quun athlète sorte du lot.
Après une ascension fulgurante ces dernières années,
les épreuves de VTT gruériennes connaissent une légère
baisse de fréquentation. Le VTT serait-il en train de perdre
son caractère populaire?
Les grands événements comme le Grand Raid
sont des courses de masse, où les vététistes
vont du professionnel au populaire le plus pur. Chaque participant y
trouve une personne du même niveau de performance. Par contre,
les épreuves comme la Gruyère-Bike de Charmey ou lOpen
Bike Haute-Gruyère sont fréquentées par des bikers
très bien entraînés. Le populaire pur se retrouve
rapidement isolé à larrière. Au début
du VTT, des personnes décidaient de sinscrire autour dune
table de bistrot. Cette époque est révolue.
Il y a deux semaines, vous avez pris part au premier marathon de lhistoire
des championnats du monde de VTT, à Lugano [n.d.l.r.: Daniel
Paradis a terminé 31e sur un millier de participants]. Quen
avez-vous pensé?
Ce genre dévénement contribue à redonner
au VTT une image plus populaire. Certains, pas dun grand niveau,
sont venus au Tessin et ont pris une licence journalière pour
pouvoir participer et se retrouver au départ avec les meilleurs.
LUnion cycliste internationale (UCI) a donc fait des efforts pour
rendre le VTT plus accessible et y apporter du sang neuf. Elle sest
rendu compte que, au niveau mondial, ce sport était en train
de sessouffler. Lintroduction dun marathon ouvert
à tous permet de lutter contre les disciplines un peu plus fermées,
comme le cross-country, où seuls les spécialistes peuvent
se côtoyer.
Il y a une année, dans une interview, le hockeyeur fribourgeois
Patrice Brasey avait dit: «Quand je vois un gars comme Daniel
Paradis, qui est une bête dans son sport et qui ne gagne quasi
rien, ça me motive encore plus à tout donner pour mon
métier.» Comment aviez-vous pris ces paroles?
Venant dun grand sportif à la carrière longue
et exemplaire, elles mavaient beaucoup touché. Sur le moment,
je me suis dis que je navais peut-être pas choisi le bon
sport (rires)
Patrice Brasey sest rendu compte de la chance
quil avait de pouvoir vivre de sa passion. Il a donné un
bon exemple aux jeunes, notamment aux hockeyeurs, qui gagnent rapidement
de largent et nont pas conscience dêtre des
privilégiés.
Quelles sont les différences entre le milieu du cyclisme professionnel
et celui du VTT?
Au sein du peloton des cyclistes professionnels, on évolue
en vase clos. Durant lannée, on court davantage et on voyage
sans cesse. Le vététiste a davantage de temps pour apprécier
les choses, dans un milieu nettement plus convivial. On est mélangé
à la masse. Japprécie cette facette du VTT, car,
sur route, on est un peu en marge de la société. Je ne
regrette pas mon choix davoir quitté le cyclisme professionnel.
Ou si, jai un regret: celui de ne pas mêtre consacré
au VTT plus tôt!
Quel regard jetez-vous sur le dopage au sein du peloton professionnel?
Depuis 1998 et laffaire Festina, les contrôles sont
plus pointus. Durant la saison, chaque coureur doit remplir un carnet
de santé, avec notamment des contrôles sanguins fréquents.
Il devient difficile de passer à travers les mailles du filet.
Je pense que cette sévérité accrue a mis un coup
de frein au problème. On tire à boulets rouges sur le
cyclisme, qui a connu pas mal de cas de dopage, mais il y a peut-être
dautres fédérations sportives qui sont plus malignes
et qui arrivent à camoufler les entorses au règlement.
Elles feraient bien de prendre exemple sur le cyclisme, précurseur
au niveau de la lutte antidopage.
Le dopage a-t-il fait son apparition chez les vététistes?
Des cas positifs, isolés, ont été révélés.
Le VTT est peu touché, car on ne fait pas plus de vingt-cinq
courses par année. La récupération est plus facile.
On peut aller dans des limites acceptables, où le corps parvient
à se régénérer de lui-même.
Daniel
Paradis en 38 lignes
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Aujourdhui
âgé de 33 ans, Daniel Paradis est venu sur le tard
dans le milieu de la petite reine. A 20 ans, il participe à
sa première course chez les amateurs. De 1994 à
1996, il passe chez les élites, avant de disputer trois
saisons au sein du peloton professionnel deux au sein
de la Post Swiss Team, une dans le groupe allemand Continental.
Après quelques essais, le Gruérien se lance définitivement
dans le VTT en 2000. Depuis, lhomme sest forgé
un joli palmarès, avec notamment deux victoires au Grand
Raid, deux 2es places et une 3e place à la Swiss Bike
Masters, aux Grisons, et deux 2es places à lEiger
Bike Challenge.
Mécanicien sur poids lourds de formation, marié
à Christine et papa dun petit Hugo depuis trois
ans et demi, Daniel Paradis travaille actuellement à
50% comme facteur à Vuadens. Un emploi du temps qui lui
permet de consacrer quatre ou cinq après-midi par semaine
à lentraînement.
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