BOXE Boxing-club Châtel-Saint-Denis

Le plaisir par les poings

Trois coups francs d’une précision chirurgicale de Conus relancent une formation châteloise à deux doigts de sombrer en terre gruérienne. A la base du revers tourain, un duo Bakengela-Njama intenable.


Si le champion de Suisse Bertrand Bossel (à gauche, ici sur le ring avec le vice-président Jean-Louis Vaudan) fait la fierté du club châtelois et de son entraîneur Mehdi Genoud, la priorité va aux boxeurs populaires

Plus de quarante membres, dont près d’une dizaine de femmes: depuis deux ans, le Boxing-club Châtel-Saint-Denis ne cesse de gagner des adeptes. «C’est peut-être le fruit du hasard, s’interroge le président François Gilliand. Mais, depuis qu’on a emménagé dans les abris du poste sanitaire de secours, à la rue du Bourg, c’est le gros boum. Les nombreux films sur la boxe, notamment ceux mettant en scène des femmes, ont aussi rendu ce sport plus populaire.»
Les exploits du triple champion de Suisse Bertrand Bossel ont contribué à l’essor du club veveysan. «Mais on ne va pas le mettre plus en valeur pour autant, explique François Gilliand. Notre priorité n’a jamais été de vouloir à tout prix des compétiteurs. Nos portes sont ouvertes à tout le monde.» Le club ne compte d’ailleurs que deux licenciés, Bertrand Bossel et Alexia Genoud (voir ci-dessous). Un état d’esprit qui attire des personnes de tous âges et de toutes classes sociales vers le noble art. «Mais il est difficile d’imaginer ce que l’avenir nous réserve, nuance le président. La boxe est un sport très exigeant. En vingt ans au Boxing-club Châtel-Saint-Denis, il y a des périodes où je me suis retrouvé tout seul. Tous les clubs connaissent à un moment cette situation.»
La majorité des membres vient à la salle deux fois par semaine avant tout pour se faire plaisir et entretenir sa condition physique, sous la conduite de son président. Au menu: spinning, corde à sauter, sprints, boxe dans le vide, dans les sacs et autres punching-balls. «On leur apprend les bases de la discipline, comme les pas, le positionnement des mains et la manière de taper», explique Mehdi Genoud, boxeur amateur de 1992 à 1996 et entraîneur en charge des licenciés depuis deux ans. «C’est un passage obligé pour frapper dans les sacs avec davantage de facilité et surtout pour éviter les blessures.»

Attendre et voir
Une fois les rudiments acquis, chacun s’entraîne individuellement, à son rythme. «Nous, on les pousse un peu et on corrige leur technique.» Certains franchissent un palier supplémentaire et manifestent l’envie de faire du sparring. Pourtant, les futurs licenciés en puissance ne sont pour l’instant pas légion, depuis le retrait du grand espoir de la boxe veveysanne Diego Breitenmooser, champion de Suisse juniors chez les poids plume en 2002.
«Techniquement, des jeunes talentueux arrivent quasiment à maturité, constate Mehdi Genoud. Mais, physiquement et psychologiquement, ils ne sont encore pas prêts à monter sur le ring. Il faudra attendre la fin de leur apprentissage et de leurs obligations militaires pour éventuellement voir des espoirs se profiler. Mais on ne forcera jamais quelqu’un à boxer à contrecœur.»

Alexia monte sur le ring

Voilà deux ans et demi, Alexia Genoud prenait pour la première fois le chemin de la salle d’entraînement du Boxing-club Châtel-Saint-Denis. «Elle est venue dans le but d’entretenir sa forme, se souvient son frère Mehdi. Mais elle s’est rapidement prise au jeu.» Récemment, elle s’est décidée à franchir un palier supplémentaire en demandant une licence amateur. Même si, à 32 ans, la Châteloise ne pourra pas exercer le noble art très longtemps, l’âge maximal pour pouvoir combattre chez les amateurs étant fixé à 35 ans.
Alexia Genoud fera ses débuts – un combat en trois rounds de deux minutes – le 19 avril à Palézieux, à l’occasion du traditionnel meeting organisé par son club. «Jusqu’à présent, je n’avais pas trop d’appréhension. Maintenant, la tension commence gentiment à monter. J’ai peur de ne pas tenir le coup physiquement et de m’écrouler.» Avec Bertrand Bossel comme sparring-partner, la Veveysanne a la chance de mettre un maximum d’atouts de son côté. «Bertrand est un excellent adversaire pour moi. Il est non seulement rapide, mais aussi correct. Lorsqu’il lui arrive de donner un mauvais coup, il s’excuse immédiatement.» La Châteloise voit néanmoins un bémol à cette collaboration. «Bertrand a la même taille que moi. Or, étant donné mon poids [n.d.l.r.: 68 kg], je risque de devoir affronter des filles plus grandes que moi. Je devrai donc davantage travailler l’adversaire au corps, exercice beaucoup plus difficile.»
Victoire ou défaite? Là n’est pas le plus important pour Alexia Genoud, accessoirement caissière du club châtelois. «En société, je suis une personne très gentille. J’ai tendance à trop prendre sur moi. La boxe représente un bon moyen de me défouler et de décharger tout le stress accumulé.» Un bien-être indispensable à trois mois de ses examens finals en vue de l’obtention d’un diplôme d’infirmière.


Une crise surmontée

L’histoire de la boxe en Veveyse commence en 1981, à l’instigation de l’athlète châtelois Jean-Paul Monnard et de François Bossel, un ancien du Boxing-club Bulle. Les deux compères fondent le Go-club boxe Châtel, qui devient deux ans plus tard le Boxing-club Châtel-Saint-Denis. Des noms comme Bernard Pache, Christophe Werner, Albert Hertel ou John Rigolet marquent les premières années d’existence. Jusqu’en 1984, année où François Gilliand, un diplôme d’entraîneur en poche, reprend les destinées de l’entité veveysanne. «A cette époque, le club était en pleine crise, se souvient le président. Le comité avait été dissous et il n’y avait plus d’argent en caisse.»
François Gilliand délie alors les cordons de sa bourse pour sauver le club et acheter du matériel. «Et, avec le soutien d’un nouveau comité, on est reparti de plus belle. Rapidement, on a pu organiser des meetings.» Sous l’ancien bâtiment communal, à côté de la crémerie de Châtel, le Veveysan voit éclore des boxeurs comme Reynald Hirschi, Eric Voland, les fidèles Alain Pasche et Jean-Louis «Ptilou» Vaudan ou encore Mehdi Genoud. «Depuis ses débuts, le club a connu une vingtaine de licenciés, précise François Gilliand. Ce nombre n’est pas considérable, mais, proportionnellement, il est similaire à celui des autres clubs.»
En 2001, le Boxing-club Châtel-Saint-Denis s’installe dans les abris du poste sanitaire de secours, à la rue du Bourg. «Là, j’ai estimé que j’avais fait ma part, expose le Veveysan. Il me fallait de l’aide, car je ne pouvais plus tout assumer.» François Gilliand se tourne alors vers Mehdi Genoud – ce dernier avait mis un terme à sa carrière de boxeur en 1996, mais s’entraînait à nouveau depuis quelque temps au Boxing-club. «Depuis, je m’occupe des débutants, alors que Mehdi assure le suivi des compétiteurs. Et ça marche! Il nous suffit d’un regard pour qu’on se comprenne.»


Alain Sansonnens
3 avril 2003

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

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