A quelques
mètres du sentier, deux petites oreilles se dressent. Encore
quelques pas et lon distingue lanimal dans son entier. Celui-ci
se terre au pied dun tronc darbre, au milieu des herbes
et des buissons. Impassible malgré la pluie qui sabat sans
discontinuer, il nous regarde fixement. Les traits fins qui le caractérisent
effacent toute hésitation: cest un lynx!
Illusion doptique ou réelle apparition? Les deux à
la fois serait-on tenté de dire. Car même sil sagit
bel et bien de lemblématique félin, sûr que
celui-ci ne sen prendra jamais aux brebis qui estivent à
proximité. Et pour cause: cest lune des nombreuses
reproductions plastiques à découvrir le long du chemin.
Nous sommes à La Lenk, dans lOberland bernois. Depuis deux
ans déjà, les remontées mécaniques du Betelberg
proposent aux touristes de découvrir lenvironnement et
les caractéristiques du félin au travers dun sentier
didactique long de quelque quatre kilomètres entre le sommet
du Leiterli (1943 m) et le restaurant Walleg (1340 m). Composé,
outre les animaux factices, de panneaux explicatifs et dactivités
ludiques, il est essentiellement destiné aux familles.
Au-delà du parcours qui lui est dédié, le lynx
est même devenu le symbole marketing de la station. Tout a commencé
en 1997, les 25 et 26 mars précisément, lorsque deux animaux
ont été capturés et équipés de colliers
émetteurs juste sous les télécabines. Pour les
promoteurs, le message était tout trouvé: le lynx ne peut
quhabiter de très beaux territoires et
la région
de Betelberg abrite deux lynx.
En collaboration avec lassociation écologiste Pro Natura,
la station met alors sur pied son sentier didactique et leffigie
du célèbre carnassier se retrouve un peu partout dans
le village, sur des affiches, des sets de table et même des T-shirt.
Un véritable flirt touristique dont les deux partenaires profitent
chacun à leur manière: la station bénéficie
des retombées économiques et le carnassier hérite
dun capital sympathie unique en Suisse.
«Nous jouons sur des valeurs magiques et mythiques», note
Matthias Kurt, responsable marketing, qui se félicite de la notoriété
acquise par la station grâce au concours du félin. «Cest
du marketing pur et simple. Nous nexpliquons pas à nos
touristes sil y a trop ou trop peu de lynx dans notre région.
Nous sommes simplement fiers quil se plaise dans nos montagnes.»
En espèces sonnantes et trébuchantes, les retombées
nont pas encore été véritablement évaluées.
Mais elles sont pour lheure jugées minimes. «Quimporte,
souligne Matthias Kurt. Nous sommes convaincus que la présence
du lynx est un atout fort et que nous allons bientôt tirer profit
de lattraction quelle opère et de lintérêt
quelle suscite.»
La
Lenk, Sentier du lynx, environ 4 km de long
Utiliser la télécabine du Betelberg pour atteindre le
départ du sentier
«Gruériens»
en vedette
Tirer profit du potentiel économique représenté
par la présence du lynx? Lidée fait également
son chemin en Suisse orientale, où six félins dont
trois avaient été capturés en Gruyère
ont été réintroduits lan passé. Approchés
par divers acteurs des milieux écologiques et touristiques, les
coordinateurs du Programme de réintroduction du lynx en Suisse
orientale le LUNO se sont en effet récemment penchés
sur la question. Leur conclusion? A lexception des chasseurs,
aucun milieu ny est opposé. Mieux: beaucoup y sont largement
favorables. Ce nest donc plus quune question de temps avant
que des voyagistes proposent des randonnées axées sur
le grand prédateur.
«Il y a déjà de la demande allant dans ce sens»,
se réjouit Klaus Robin, coordinateur du LUNO. Qui nentend
pas prendre lui-même linitiative, mais qui se dit disposé
à ce que ses collaborateurs accompagnent de tels tours. «Les
chasseurs craignent que des milliers de gens prennent dassaut
la montagne. Mais je suis convaincu que si cest bien organisé
et guidé par des connaisseurs, ça ne posera aucun problème.»