COMMENTAIRE

L’air du Temps
Sens dessus dessous

Le ciel perd-il la tête? Y a-t-il un pilote dans la cabine météorologique? C’est mars en août et l’hiver en été. Les prévisions sont aussi maussades que le temps. Si ces pluies diluviennes ne touchaient que nos petits espaces, on attendrait que les nuages passent. Et on classerait ces jours dans l’inventaire des «étés pourris». Mais, plus grave, cette morosité pluvieuse s’inscrit dans un grand chaos climatique qui laisse les scientifiques sans voix…
Quelques minutes du journal télévisé suffisent pour prendre la mesure de la déréglementation en cours. Evidence: le climat ne tourne plus rond. Ou plutôt il s’amuse à faire dans le contraste extrême. L’Europe a les pieds dans l’eau tandis que la planète crève de chaud. La Toscane a sorti ses bottes alors que le sud de l’Italie est en voie de désertification. L’Inde souffre de la pire sécheresse depuis une décennie et le Bangladesh voisin a de l’eau jusqu’au cou. Situation alarmante aussi en Australie, où la sécheresse est qualifiée d’«historique», comme celle des Etats-Unis, de l’autre côté de l’océan. Dans ces deux pays, la prochaine récolte de blé sera d’un quart inférieure à la précédente. En Afrique australe, et particulièrement en Ethiopie, on agite une nouvelle fois le spectre de la famine.
Face à ce désordre climatique qui affole les hommes et les bêtes, les regards se dirigent vers les scientifiques. Ces folies météorologiques sont-elles les signes d’un changement climatique? Dans la tempête, les observateurs restent prudents. Faute de statistiques suffisamment inscrites dans la durée, ils refusent de se mouiller. Tentative d’explication avancée: les récentes catastrophes seraient la conséquence de la reprise du phénomène El Niño, qui vient régulièrement perturber le climat de la planète.
Pour avoir répertorié les inondations, les sécheresses et les tornades depuis quelques trop récentes décennies, les scientifiques refusent de livrer des diagnostics sur le réchauffement de la planète. Seule certitude: la température prend régulièrement l’ascenseur. A la fin juillet, l’Office météorologique britannique a annoncé que le premier semestre de 2002 avait été le plus chaud enregistré dans l’hémisphère Nord depuis 143 ans. Et le deuxième plus chaud jamais pour toute la planète.
Faudra-t-il attendre deux siècles pour, devant des statistiques enfin crédibles, prendre quelques mesures? Comme l’homme fait partie du problème, il doit immanquablement faire partie de la solution. Et il ne pourra pas se contenter de regretter indéfiniment, paisiblement assis devant son téléviseur, les catastrophes naturelles qui mettent la Terre sens dessus dessous.

Patrice Borcard/ 13 août 2002

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