ÉDITORIAL

Proche-Orient
Un chaos sans issue

Comment briser le huis clos d’autistes dans lequel se sont enfermés Sharon et Arafat? Depuis quelques jours, le conflit israélo-palestinien prouve qu’il dispose encore des réserves d’horreurs et de haine, alors qu’à chaque attentat, à chaque riposte, on croyait que la déraison avait atteint son sommet.
On ne comprendra rien à cette folie dévastatrice sans mesurer la haine qui anime les deux principaux protagonistes. Une haine viscérale, inextinguible, qui se nourrit de plusieurs décennies de «compagnonnage» parallèle. De conflit en attentat, de complot en trahison, le guerrier et le terroriste symbolisent l’histoire tragique de cette région du Proche-Orient. Devenus Premier ministre d’Israël et président de l’Autorité palestinienne, Sharon et Arafat poursuivent leur combat, le couteau entre les dents, se charcutant dans un corps à corps inexpiable. A chaque coup, un autre coup. Rendre sang pour sang: le talion dans sa logique implacable.
A peine arrivé au pouvoir, Sharon avait décrété Arafat «hors jeu». Hier, il le présentait comme «l’ennemi du monde libre». Jusqu’où le vieux général est-il prêt à aller pour se débarrasser de l’homme au keffieh? L’armée israélienne a annoncé qu’elle ne toucherait pas à son intégrité physique mais dit son incapacité à contrôler toutes les balles perdues!
Sharon et Arafat ne contrôlent plus l’infernale machine qu’ils ont lancée. Et cette guerre ne trouvera une solution qu’avec leur départ. Or, Sharon poursuit son objectif: vaincre les «terroristes» palestiniens sur leur territoire, imposer sa paix à un ennemi exsangue.
On l’a vu ces jours: la politique de Sharon s’appuie sur une analyse erronée. Le terrorisme se limiterait, à ses yeux, à quelques groupes isolés. Ces derniers mois ont prouvé le contraire: avec la réoccupation des territoires palestiniens, le nombre des attentats a augmenté. Plus Tsahal frappe, plus les civils israéliens meurent. La guerre nourrit le terrorisme. La puissance militaire n’est donc pas un gage de victoire politique. Impasse sanglante et absurde.
Abandonnés à leur tragique sort par des responsables dépassés, Israéliens et Palestiniens, pris dans un engrenage sans fin, ne peuvent espérer une solution que de l’extérieur. Malheur à eux! L’Europe est inscrite aux abonnés absents. L’ONU, malgré sa récente résolution, ne parvient pas à imposer sa voix dans ce vacarme. Et les USA, seule puissance apte à imposer sa médiation, sont toujours à la recherche d’une ligne claire. Empêtré dans ses contradictions, paralysé par des impératifs de politique intérieure, contraint de ménager le monde arabe avant de frapper l’Irak de Saddam Hussein, Bush joue les équilibristes. Au-dessus d’une fosse à feu et à sang.

Patrice Borcard / 2 avril 2002

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