Editorial
Paul Grossrieder

Un renvoi politique

Le Conseil d’Etat avait-il vraiment le choix? Sa décision de renvoyer «pour justes motifs» le chef de la brigade des stupéfiants s’inscrit dans la logique de cette affaire Grossrieder qui mine le canton depuis mars 1998. Le Gouvernement insiste sur la nature «administrative» de ce renvoi, refusant de lui attribuer un caractère politique. Or, il s’agit bien et avant tout d’une décision politique: une notion trop longtemps absente de cette interminable procédure. Car le Gouvernement s’est à maintes reprises abrité derrière les arguties juridiques et les arguments judiciaires, au cours de ces trois années où l’Etat, qu’il représente, a été ébranlé jusque dans ses fondements. En évitant de prendre position dans le combat que se livrent justice et police, le politique risquait progressivement de se déconsidérer, et d’offrir l’image de l’impuissance et de la faiblesse. La récente rébellion des agents de la Sûreté («La Gruyère» du 18 novembre) tenait de la goutte d’eau propre à faire déborder le vase. Cette «mutinerie» exigeait une réaction prompte des autorités politiques. «Inadmissible!» avait tonné Claude Grandjean. Le renvoi du brigadier Grossrieder est enfin une réponse à ceux qui visent la déstabili-sation de l’appareil judirico- policier. Le noyau dur, qui a concentré avec succès ses attaques sur le juge Lamon, poursuit désormais un autre but: le départ du commandant de la police, accusé d’avoir lâché ses hommes. Soit le Gouvernement restaure la discipline au sein des troupes policières, soit il laisse l’édifice se lézarder... Dans ce contexte, Paul Grossrieder ne pouvait retrouver sa place à la tête de la brigade des stupéfiants. Accusé d’avoir transgressé le devoir de fidélité, le policier laisse derrière lui de «sérieux doutes quant à sa crédibilité professionnelle». Conclusion gouvernementale: la confiance est rompue! On s’étonne simplement qu’il ait fallu si longtemps pour parvenir à un tel constat. De révocations en recours, de rapports en procès, la suspension du brigadier a duré plus de trente mois. Un record dans les annales de la République! Mais l’affaire n’est pas à son terme. Et de loin! Paul Grossrieder va sans doute recourir contre cette décision au Tribunal administratif. Et un nouveau procès pourrait se dérouler si le Tribunal cantonal accepte le recours du procureur général contre l’acquittement du brigadier. Tout en respectant les procédures, le Gouvernement peut reprendre l’initiative. Plusieurs échéances (rapport Ott sur la police, sort du commandant Nidegger) lui permettront de rappeler au peuple électeur que derrière la façade du pouvoir se cache, parfois, une volonté politique.

Patrice Borcard / 23 novembre 2000

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