SUPERCROSS Philippe Dupasquier

Salut au «dieu de Palexpo»

Pour son quinzième et dernier Supercross de Genève, Philippe Dupasquier a tenu à gratifier les 16500 spectateurs d’un ultime exploit. Quatrième de la finale 125 cm3, samedi, le crossman de Sorens a été élevé au rang de divinité de Palexpo. Pas de quoi gonfler l’ego du multiple champion de Suisse qui, l’an prochain, emmènera sa modestie sur les circuits de supermotard.


Une antique Maico et le Ranz des vaches version Bernard Romanens: Palexpo a fait la fête à Philippe Dupasquier

 

La chanteuse Nadiya a, selon la presse people, «réchauffé» Zinedine Zidane. Mais pas le public de Palexpo, plein comme un œuf samedi pour la deuxième soirée du 21e Supercross international de Genève. Il faudra attendre la présentation des pilotes, crossmen et freestylers, pour que le show et le chaud ne prennent l’ascenseur, à grand renfort de décibels.
Au milieu de cette ferveur et de cette fournaise dédiées aux deux-roues, arrive celui que le speaker n’hésitera pas à appeler «le dieu de Palexpo». Poussé par les 16500 spectateurs et sur fond d’hymne national gruérien – le Ranz des vaches version Bernard Romanens – Philippe Dupasquier a l’air d’un géant. Salut des organisateurs à l’homme aux quinze Supercross de Genève, le Sorensois défile sur une antique Maico, coiffé du vieux casque à Robert. «Je voulais rendre hommage à mon père. Un jour, peut-être, cela me fera plaisir que mon fils porte à son tour mon casque.»

«Presque en apnée»
Dans les paddocks, l’approche de cette entrée théâtrale – un bis repe-tita de celle de vendredi – n’avait eu que peu d’effet sur le crossman de Sorens. Simple et modeste il a toujours été. Et il le restera. Son dernier Palexpo? «Une course comme une autre, confiait-il. Peut-être que je roule un peu plus pour me faire plaisir que pour décrocher un résultat à tout prix.» Et ce n’est pas un refroidissement contracté durant la semaine qui allait empêcher le multiple champion de Suisse d’enflammer une dernière fois l’arène. L’air sec de Palexpo, la fumée, des derniers tours de piste «presque en apnée»: rien n’y fera, le Gruérien réussira sa sortie. Cinquième de la demi-finale puis 10e de la finale 125 cm3 le vendredi, Philippe Dupasquier a sorti toute sa panoplie du vieux briscard pour se sublimer le samedi. En tête de sa demi-finale trois tours durant après un départ d’anthologie – un fabuleux all shot, ou comment donner tout son sens au mot expérience – le pilote KTM finira 4e, sésame pour la finale en poche.
«La finale, c’était top! J’avais un bon rythme, et le public m’a porté jusqu’au bout.» Aux anges, le pilote de Sorens a même entrevu le podium. Avant de commettre une petite erreur qui l’a empêché de faire la nique aux jeunes. «Je me suis loupé dans l’enchaînement des woops. Si je suis au top de ma forme, cette erreur, je ne la commets pas. Ce soir, j’ai roulé avec des gars qui disputent le SX Tour et qui s’entraînent comme des fous depuis juillet. Moi, avec deux entraînements et le SX de Lyon le week-end passé, je ne pouvais pas espérer plus.»
Quatrième au passage du drapeau à damiers, le Gruérien était ainsi qualifié pour l’épilogue de la soirée, la superfinale réunissant les cracks des catégories open et 125. Le souffle court, le corps «cuit», «Kakeu» et ses 32 ans rendront les armes après quelques tours de piste, ses derniers à Palexpo. «Je ne regrette rien. Ça devient plus dur d’année en année, il faut être de plus en plus affûté.»

Le vide des Gruériens
De retour aux paddocks, torse nu et nuque enroulée dans un linge, l’homme ne versera pas dans l’émotionnel. Tout juste dira-t-il que «l’accueil que l’on m’a réservé ce soir, c’était quand même quelque chose de spécial. Mais je n’ai pas l’impression qu’une page se tourne. J’ai simplement disputé ma dernière course de l’année. Bien sûr, cela me fera sans doute bizarre l’an prochain, quand je viendrai à Genève en spectateur.» Et le Sorensois d’évoquer l’épisode avant la finale, quand il est venu saluer les supporters gruériens, postés dans la rectiligne des woops. «Le vide sera peut-être plus grand pour eux que pour moi.»
Le premier Suisse à avoir tutoyé l’élite européenne puis mondiale du motocross a, lui, déjà la tête tournée vers le supermotard, son prochain défi. «Même si la discipline est moins physique et moins cassante que le cross, je vais faire ce qu’il faut cette hiver pour garder une base d’entraînement assez rigoureuse. Après quelques entraînements de cross, je me rendrai sur des pistes en France et en Italie pour peaufiner ma préparation en supermotard.» Cinquième du championnat de Suisse l’an passé, Philippe Dupasquier se verrait bien remporter encore quelques titres.
La «gagne» ne s’apprend pas, elle se vit.

«Le public m’a donné la force»

– Philippe Dupasquier, si vous aviez une seule image à retenir de vos quinze participations au Supercross de Genève…
… ce serait l’enthousiasme, la ferveur du public envers les pilotes, les Suisses en particulier. Pour un crossman du pays, être soutenu par plus de 16000 spectateurs, entendre des «gueulées» à chaque passage, cela n’arrive qu’une seule fois par année. L’émotion ressentie dans ces moments-là restera à jamais gravée.

– Entre votre premier Supercross de Genève et le dernier, qu’est-ce qui a changé?
Il y a quinze ans, la domination des Américains était sans partage. Les pilotes du continent avaient très peu de chance d’obtenir des résultats. Les organisateurs en étaient même réduit à mettre sur pied une finale «franco-suisse». Depuis, les Européens ont énormément progressé et sont aujourd’hui capables de monter sur le podium.

– Entre Palexpo et Philippe Dupasquier, c’est une belle histoire d’amour qui se termine…
A Genève, j’ai toujours dit que le pilote fait la première moitié de la course et que le public aide à tout donner pour la deuxième moitié. Cette année, j’étais un peu juste physiquement. Mais, on l’a vu encore samedi, le public m’a donné la force de réaliser deux super courses. Je ne garde que des bons souvenirs de mes quinze participations, mais aucune nostalgie. Sans doute que je réaliserai et que j’apprécierai plus tard tout ce que j’ai vécu ici à Palexpo.

 

Alain Sansonnens
5 décembre 2006

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