Journée de l’Europe

Boutros-Ghali à Fribourg

Pour sa 27e Journée de l’Europe, l’Université de Fribourg accueille aujourd’hui l’ancien secrétaire général de l’ONU et actuel secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie: Boutros Boutros-Ghali. Une manière d’élargir les horizons.


Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU,
est de passage aujourd’hui à Fribourg

Après Raymond Barre, Helmut Kohl ou Bronislaw Geremek, l’an dernier, la Journée de l’Europe de l’Université de Fribourg accueille cette année Boutros Boutros-Ghali. L’Egyptien, ancien secrétaire général de l’ONU, est resté très impliqué dans les affaires internationales. A travers son activité à la tête de la francophonie, d’une part, mais aussi par ses prises de position ou sa participation aux grandes réunions internationales.
Un livre d’entretiens qui vient de paraître, Démocratiser la mondialisation, atteste de son intérêt constant pour les grandes affaires du monde. Depuis le milieu des années quarante, Boutros Boutros-Ghali a fait du droit international son terrain d’études et d’activités favori. Riche d’une expérience acquise tant dans ses activités politiques en Egypte que lors de son passage à l’ONU, il vient, en cette fin d’après-midi, apporter son éclairage sur l’Europe.

A l’ONU dès 1992
Né en 1922 au Caire, Boutros Boutros-Ghali se spécialise très tôt dans les questions de relations internationales avec une thèse portant sur les ententes régionales. Dès le début des années cinquante, il se met à enseigner le droit international. En Egypte d’abord, puis aux Etats-Unis et en Europe. En 1954, lors de son premier voyage aux Etats-Unis, il entre en contact avec les Nations Unies. Il hésite déjà à entreprendre une carrière onusienne. Mais l’appel de son Egypte natale est plus fort. Il s’y engage tous azimuts à travers articles de presse et enseignement. Il suit de près l’évolution des institutions internationales africaines et arabes, telles la Ligue arabe ou l’Organisation de l’unité africaine.
C’est en 1977 que démarre véritablement sa carrière politique. Il devient ministre égyptien des affaires étrangères. Il est l’un des artisans des accords de Camp David entre l’Egypte et l’Israël. En 1987, il est élu au Parlement égyptien et il devient en 1991 vice-premier ministre égyptien chargé des affaires étrangères. En 1992, il accède au poste de secrétaire général de l’ONU.
Les entretiens qui constituent Démocratiser la mondialisation suivent l’itinéraire de sa vie, en accordant une large place aux années passées à l’ONU. Un passage qui aura été marqué par trois lignes directrices, constate-t-il: «La paix, et la nécessité de mettre en place une véritable diplomatie préventive; le développement, et la nécessité de réduire le fossé qui continue de s’élargir entre le Nord et le Sud; la démocratisation, et la nécessité de promouvoir la démocratie, tant à l’intérieur des Etats que dans les relations entre Etats, en d’autres termes, la nécessité de démocratiser la mondialisation avant que la mondialisation ne dénature la démocratie.»
Ces trois lignes directrices ont été exprimées dans l’Agenda pour la paix, l’Agenda pour le développement et l’Agenda pour la démocratisation. Un troisième agenda, remarque-t-il, qui a été «évacué une semaine après mon départ des Nations Unies».

Les maîtres du monde
Avec la difficulté de réformer les structures des Nations Unies, cet abandon de l’Agenda pour la démocratisation fait partie des déceptions de Boutros Boutros-Ghali. Présenté en 1996, à la fin de son mandat, cet Agenda tombait dans un contexte qui lui était devenu hostile. Les Etats-Unis en étaient en effet venus à ne plus supporter les idées de l’Egyptien qui ne voulait pas se contenter d’être le bras de Washington.
Plusieurs aspects l’avaient rendu définitivement insupportable aux yeux du pouvoir américain. Son insistance, d’abord, pour le règlement démocratique des questions internationales, à un moment où les Etats-Unis pensaient surtout à tirer profit de la fin de la Guerre froide. Mais aussi sa volonté de réformer certains aspects de l’ONU, et pas les mêmes que le Gouvernement américain, de même que son soutien aux pays en développement, parfois contre l’intérêt des grandes puissances. Fin 1996, Boutros Boutros-Ghali quitte le Secrétariat général de l’ONU. Il devient secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie en 1997. Démocratiser la mondialisation s’inscrit dans la droite ligne de l’Agenda pour la démocratisation. Et son dernier chapitre, consacré aux conséquences des attentats du 11 septembre dans la diplomatie internationale, met en lumière les points cruciaux qui détermineront le travail pour la paix dans les années à venir. Le rôle des Etats-Unis n’échappe pas à l’ancien secrétaire général de l’ONU: «Si les Etats-Unis sont amenés à abandonner durablement leur politique unilatéraliste et leur attitude néo-isolationniste, au profit d’une politique véritablement multilatérale, alors on peut considérer que l’ONU sera à même de jouer un rôle nouveau à l’échelle planétaire.» Mais on n’en est pas là, si l’on en croit Boutros Boutros-Ghali. «Les événements du 11 septembre 2001 ont amené, dans un premier temps, les Etats-Unis à vouloir mener une politique multilatérale dans le cadre de l’ONU, mais l’action unilatérale a tôt fait de reprendre le dessus, effaçant du même coup l’espoir naissant d’une démocratisation de la mondialisation.»

Israël-Palestine
Démocratiser la mondialisation a été publié en janvier. Boutros Boutros-Ghali y exposait les deux problèmes urgents qui se présentaient à la communauté internationale: la reconstruction de l’Afghanistan et «le règlement définitif du conflit israélo-palestinien». Force est de constater que l’on est loin du compte dans le second cas. Un problème qui apparaît comme une clé de l’avenir du monde: «La question israélo-palestinienne va continuer à polluer, à envenimer, à détruire les rapports entre le monde arabo-musulman et le monde occidental.» Il faudra donc compter sur la sagesse américaine.

Charly Veuthey / 16 avril 2002