Fonds Joseph Bovet

Connaître et faire connaître

Une association a été créée hier pour conserver et étudier le vaste fonds Joseph Bovet déposé depuis vingt ans à la Bibliothèque cantonale. Mais cette association a de plus vastes ambitions encore: éditer et publier peu à peu les quelque 2000 œuvres de l’abbé afin de faire redécouvrir aux chœurs et au public la diversité de son patrimoine.

Conservé à la Bibliothèque cantonale, le fonds Joseph Bovet compte plus de 2000 œuvres et documents (C. Haymoz)

L’Année Bovet organisée à l’initiative du groupe Mon Pays ne restera pas dans les esprits comme la seule commémoration nostalgique du cinquantième anniversaire de la mort du plus célèbre compositeur fribourgeois: hier à Villars-sur-Glâne a été officiellement créée une association pour la conservation et la promotion du patrimoine musical de l’abbé chantant.
Fonds Joseph Bovet, association pour la promotion d’un patrimoine musical: le nom exact de l’association, que préside le conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf, est aussi complexe que son objectif est riche et multiple. Biographe du barde et vice-président de la nouvelle association, l’historien Patrice Borcard expliquait hier devant la presse: «L’existence d’archives impose un triple devoir de mémoire: conserver, connaître, faire connaître.»
Conserver, c’est récolter et préserver. Le fonds Joseph Bovet existe: il a été déposé à la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) de Fribourg en 1982 et a donné lieu à la publication, trois ans plus tard, d’un catalogue aujourd’hui épuisé. Mais ce fonds n’était pas exhaustif: en quinze ans, environ 300 nouvelles œuvres ont été découvertes, portant la production de l’abbé à plus de 2000 opus. «Il s’agit donc de partir à la découverte des partitions originales oubliées qui dorment encore dans les archives des chœurs de nos villages», annonce Patrice Borcard. En effet, combien de pièces de circonstance, qui ne furent interprétées qu’une fois, l’abbé Bovet ne composa-t-il pas pour les dix ans d’activité de tel chef de chœur ou pour le jubilé de telle société villageoise!…

Retrouver la patte cachée
Mais assurer la pérennité des documents ne suffit pas. Il faut encore en connaître le contenu. Les partitions originales sont parfois dans un état piteux. Le chef de chœur et compositeur André Ducret le sait bien, lui qui a compulsé ces archives à la recherche d’œuvres pour chœur et orchestre en vue du concert final de janvier prochain: «Nous avons été très surpris: nombre de pièces ont été arrangées, retouchées, simplifiées, réharmonisées à même la partition originale par des auteurs postérieurs.» C’est là qu’intervient le travail musicologique. Le but est double: d’une part retrouver dans ces partitions la patte authentique de l’abbé, d’autre part y déceler l’univers musical, les influences, qui inspirèrent le compositeur.

Vers la pratique chorale
Mais il s’agit aussi de replacer l’œuvre de Bovet dans son contexte historique. Double objectif, là aussi. L’association entend consacrer son énergie à l’inventaire et à la conservation de toutes les sources sonores et audiovisuelles concernant Bovet, ainsi que tous les enregistrements qu’il fit lui-même. En outre, un effort sera fait pour mettre le fonds Bovet en relation avec les fonds d’autres musiciens comme Boller ou Ansermet, mais aussi avec la production musicale de ce que d’aucuns appellent l’«école Bovet».
La connaissance est vaine sans le partage de la connaissance. C’est sur ce principe que se base l’association pour sa dernière grande ambition: rééditer le catalogue complet des œuvres de Bovet et surtout éditer et publier toutes ces partitions. Afin qu’elles soient accessibles aux chœurs et que ceux-ci redécouvrent et se fassent les interprètes de Bovet dans toute sa diversité. «A l’heure actuelle, on n’interprète en effet qu’une centaine de ses 2000 œuvres, constate le biographe de l’abbé chantant. C’est pourquoi nous désirons mener tout ce travail avec le souci de la pratique chorale actuelle, qui est en partie issue de l’époque de Bovet.»
L’ambition de l’association qui vient de se créer donne le tournis. Composé de Patrice Borcard, des musiciens et chefs de chœur Roger Karth et Nicolas Wyssmüller, des collaborateurs de la BCU Emmanuel Schmutz et Joseph Lüsibach, le groupe de travail qui a élaboré ce cahier des charges en est bien conscient. C’est sans doute plusieurs dizaines d’années de labeur qui attendent ceux qui viendront se greffer par la suite sur cette vaste entreprise.

Collaborations souhaitées
Il en faudra, des experts, des musicologues, des pèlerins de la chose bovétienne! L’association, du reste, entend bien bénéficier du concours de l’Université de Fribourg et de son Institut de musicologie. «Il semble que des collaborations soient possibles, notamment en matière de travaux de séminaires ou de mémoires de licence, qui pourraient contribuer au défrichage du matériau, confirme Patrice Borcard. Mais nous comptons également beaucoup sur l’appui du Conservatoire.»
D’autres collaborations encore seront nécessaires. Pour l’heure, le coût de l’opération a été estimé à environ 510000 francs, dont 150000 francs assurés par l’Etat, responsable de la conservation. L’association recherche donc déjà le parrainage de quelque 360000 francs auprès d’institutions culturelles publiques et privées, de fondations, sociétés et entreprises.
L’association se donne trois ans pour lancer les travaux. Il sera alors l’heure de dresser un premier bilan scientifique et financier.

 

Un concert orchestral

Le comité Abbé Bovet 2001 a choisi de terminer son année de célébration par un double concert qui mettra en valeur, les 5 et 6 janvier à Belfaux, les œuvres pour chœur et orchestre du barde fribourgeois. Ce répertoire peu connu et encore moins interprété de Joseph Bovet a fait l’objet de recherches poussées de la part du chef de chœur et compositeur André Ducret, assisté par les musiciens Roger Karth et Nicolas Wyssmüller. Recherches musicologiques pour retrouver la version originale de ces œuvres, mais aussi travail d’édition, puisque les partitions des pièces choisies seront publiées pour les besoins de l’interprétation.
«Plutôt que de choisir une seule grande œuvre avec orchestre, nous avons préféré présenter un éventail des pièces les plus révélatrices de son style, des plus originales en terme d’harmonisation ou d’orchestration», annonce André Ducret. Ce double concert événement sera interprété par le Chœur des XVI et le chœur Anonymos, un orchestre et plusieurs solistes dont la basse Michel Brodard. André Ducret, bien sûr, en assurera la direction.

Didier Page / 22 novembre 2001

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