ENTRAINEMENT PHYSIQUE
Ueli Schweizer
Le sport sans souffrances

Professeur de sport à l’Ecole polytechnique de Zurich, Ueli Schweizer entend changer les paramètres de la condition physique. Selon lui, le sport doit faire plaisir sans souffrir. Hermann Maier, vainqueur de la Coupe du monde de ski, et Erik Zabel, maillot vert du récent Tour de France, sont des adeptes convaincus de ses théories révolutionnaires où l’acide lactique est prohibé.


Selon le Zurichois Ueli Schweizer, un entraînement en douceur et qui ne produit pas d’acide lactique permet une progression des performances (C. Haymoz)

A l’heure du dopage généralisé, des projets de clonage humain et du risque de dérapage vers l’eugénisme, il fait bon rencontrer une personnalité telle qu’Ueli Schweizer. Responsable du Centre de diagnostic de la clinique Gut à St-Moritz, en collaboration avec le médecin de l’AC Milan Federico Peroni, ce professeur de sport à l’Ecole polytechnique de Zurich débarque comme un bol d’air frais dans un monde de fous. Avec ses formules contrastant avec tout ce qui a été dit ou écrit sur le domaine de l’entraînement physique, l’homme fait pourtant office d’extraterrestre. Et, pour qui les progrès du sport moderne reposent sur la seule évolution dans les domaines physiologiques, diététiques, technologiques ou biomécaniques, ses préceptes paraissent relever de l’utopie.

«Notre société va mourir!»
Au cours d’une conférence à l’Université de Fribourg, Ueli Schweizer a tenu un discours aussi dérangeant qu’étonnant:
«Notre société va mourir de faiblesse! Reste à savoir si c’est dans les dix, vingt ou quarante prochaines années», assène-t-il d’emblée à la façon de l’un de ces prédicatueurs qui sévissent le dimanche sur les chaînes télévisées américaines. La cause de cette apocalypse? Le manque de mouvement associé à la malbouffe. «Aux Etats-Unis, qui ont toujours eu vingt ans d’avance sur nous, les jeunes sont plus obèses que jamais. Là-bas, les cardiologues estiment qu’un enfant sur cinq subira une opération du cœur avant l’âge de trente ans.» Les Américains parlent du syndrome X: celui des gens assis devant leur TV, leur ordinateur ou leur console de jeu. «Moi, je ne dis pas à quelqu’un: tu as le syndrome X. Je lui dis: tu es obèse parce que tu es paresseux!» coupe Ueli Schweizer.

Potion magique
Comme tout prêcheur, le Zurichois a un moyen de lutter contre ce péché de la sédentarité: «Je possède une potion magique, universelle et miraculeuse, lance-t-il à la façon du Dr Doxey cher à Lucky Luke. Cette recette est tellement simple que tout le monde peut l’appliquer. Ses effets offrent une meilleure santé, une intelligence supérieure et davantage de puissance physique... et sexuelle grâce à la testostérone libérée par le système hormonal.»

Sus à l’acide lactique!
Ueli Schweizer livre enfin le secret de son élixir miracle: l’exercice physique, à pratiquer au minimum deux fois et au maximum sept fois par semaine. Rien de révolutionnaire jusque-là! Ce qui l’est davantage, c’est sa formule des soixante minutes divisées en 15 minutes de musculation et 45 minutes d’endurance: «Pourquoi soixante minutes? Car lorsque je demande aux gens combien de temps ils ont pour s’entraîner, ils me répondent une heure. L’important est de leur concocter un entraînement avec un effet maximal pour fortifier les systèmes immunitaire, nerveux central et neuro-végétatif. Le stress sera ainsi évacué, d’où plus de bien-être et une espérance de vie accrue.» Si les exercices de musculation doivent être courts avec beaucoup d’intensité, l’endurance doit s’effectuer à faible régime pour éviter la création de l’acide lactique – sorte d’empoisonnement du muscle créé par un apport insuffisant d’oxygène. Tout le secret de la formule Schweizer est là. «L’acide lactique est à bannir à tout prix, prévient-il avec emphase. Il faut absolument proscrire les efforts qui le produisent. Un mouvement intensif entre 40 secondes et deux minutes débouche sur un maximum d’acide lactique. S’il ne faut pas plus de deux à trois jours au muscle pour l’éliminer, les autres systèmes immunitaires ont besoin de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Cela affaiblit le corps qui peut tomber malade. Le prix est donc très élevé pour un résultat nul.» Comment alors s’entraîner juste et ne pas créer ce fameux acide lactique? La réponse fuse: rester à 70% de son seuil d’anaérobie. «La limite à ne pas franchir est de 2 millimoles. Cela correspond à un effort où le sportif est en mesure de parler. Le rythme de sa respiration s’accroît, mais il n’est pas essoufflé. C’est agréable. Dès qu’il y a souffrance, l’effort est trop violent. Il faut alors ralentir.» Reste désormais à savoir si la recette est vraiment efficace: «Il y a 12 ans que je prône cette manière de s’entraîner. Elle a été mise au point en Allemagne de l’Est. Je suis surpris que pas plus de monde, en Suisse notamment, ne l’applique», conclut Ueli Schweizer.

La preuve par Herminator

Le programme d’entraînement d’Ueli Schweizer va à l’encontre de certains principes appliqués dans les milieux sportifs de haut niveau. Par exemple, comment être performant sans ne jamais aller dans la zone rouge? Le Zurichois soutient pourtant que sa formule colle aux exigences des athlètes de pointe: «La formule a été créée par les Allemands de l’Est. Ils se sont aperçus que s’entraîner au seuil anaérobique demandait des efforts trop violents. Ils ont alors choisi de travailler l’endurance en dessous de deux millimoles. Mais il est également essentiel de soigner la récupération active, notamment après une compétition. Pour gagner, c’est indispensable!» Si les efforts intenses sont à ses yeux inévitables, ils ne doivent en aucun cas excéder 20 secondes à l’entraînement: «Sinon, les muscles produiront de l’acide lactique. Lorsqu’elles étaient en camp de préparation à Saint-Moritz, les relayeuses allemandes [n.d.l.r.: championnes du monde du 4x 400 mètres en 1999 à Séville] faisaient des sprints ne dépassant pas ces fameuses 20 secondes. Autre exemple, Erik Zabel effectue 90% de son entraînement en dessous de 2 millimoles.» Même chose pour Hermann Maier qui consacre une large part à la récupération pour éliminer son acide lactique: «Au début, tout le monde rigolait en le voyant pédaler sur son vélo d’appartement durant une heure à 100 pulsations/minute. Maintenant, tout le monde l’imite!»

Pascal Dupasquier / 9 août 2001

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