COMMENTAIRE

Pause estivale

Un vide à combler

Comme la nature, l’homo politicus a horreur du vide. L’expression aurait de quoi laisser Aristote perplexe. Le constat s’impose pourtant: cette année, les partis politiques suisses ne partent pas en vacances. Toutes tendances confondues, ils organisent durant l’été pas moins de neuf conférences de presse au Palais fédéral. C’est trois fois plus que durant l’été 1999, annonciateur des dernières élections fédérales. Or, l’agenda de cet automne ne prévoit aucune échéance d’importance à l’échelon du pays! Il n’en faut pas tant pour sortir la presse parlementaire de sa léthargie estivale. De quoi autoriser «Le Temps», qui livrait récemment ces informations, à titrer: «La trêve estivale est morte.» Et le quotidien suisse édité à Genève de mettre le doigt sur le changement de stratégie des états-majors politiques. Pourquoi donc occuper à ce point le terrain? Pourquoi solliciter tant l’attention des médias et du public? Parce qu’ils ont compris le profit à tirer de la pause estivale, un peu à l’image des universités d’été en vogue dans l’Hexagone voisin. L’été semble donc promis à un bel avenir. N’est-ce pas une période durant laquelle l’accès aux médias paraît plus facile? Oui, répond sans hésiter le secrétaire général d’un parti gouvernemental: «Contrairement à ce que l’on pense souvent, les gens lisent les journaux en été.» Un lecteur en vacances demeure donc un lecteur. Ouf! Et merci au passage de nous faire l’honneur de lire les journaux, aussi lorsque vous avez troqué votre bleu de travail contre un bermuda… Le calme usuel de juillet-août a un autre ennemi déclaré: les sans-papiers. L’occupation des églises de Bellevaux, à Lausanne, et de Saint-Paul, à Fribourg, a ouvert un débat de fond sur la politique d’immigration. Obligeant tout un chacun à poser les yeux sur une réalité trop longtemps ignorée. Feuilleton à multiples rebondissements, le combat de ces travailleurs sortis de l’ombre a poussé deux partis nationaux à briser le silence: le Parti socialiste en appelle à une amnistie générale pour les travailleurs sans permis en Suisse depuis au moins une année. Et les Verts réclament la régularisation collective des occupants de Saint-Paul et Bellevaux. Dans le camp bourgeois, les partis ont bien dû se positionner, en tentant de le faire sans trop se livrer. Paradoxalement, la proximité des élections de cet automne dans le canton explique le manque d’empressement des grands partis fribourgeois à aborder cette problématique. En plus de ne pas avoir de papiers, les occupants de Saint-Paul restent sans voix (électorales). Sébastien Julan

Sébastien Julan / 9 août 2001

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