Editorial
1981 10 Mai
2001
Mitterrand,
énigme française
Rien ny fait! Pleuvent
les réquisitoires, tombent les accusations, sagrippent les affaires,
François Mitterrand continue dexercer une étrange fascination sur les
Français. Vingt ans après son élection à la présidence de la République,
lénigme mitterrandienne demeure. Seule certitude: la mythologie personnelle
dépasse désormais lempreinte politique.
Mais comment
expliquer ce rapport peu raisonnable que la mémoire collective française
entretient avec cet homme? A mesure quémer-gent de nouvelles images darchives,
que sempilent les témoignages, que se multiplient les analyses sur cette
sinueuse biographie, le mystère sépaissit. Tous les livres plus dune
centaine à ce jour qui tentent déclairer la geste mitterrandienne se
résument à lunique question qui vaille: qui était cet aventurier du pouvoir?
La fascination mitterrandienne tient aussi à lambiguïté morale de cette
vie faite de manuvres et de trahisons, de roueries et dentourloupes.
Cette ambivalence stendhalienne doit-elle être admirée pour son caractère
romanesque ou condamnée pour sa charge de vanité? Lincapacité des Français
à trancher dans cette opacité savamment entretenue rend captivante une
existence qui, dans dautres cas, serait vouée aux gémonies.
Les entretiens accordés par Mitterrand à Jean-Pierre Elkabach (diffusés
sur France 2, «Conversation avec un président») illustrent une fois encore
le talent de ce machiavélique Florentin. Le regard tour à tour hautain
et candide, sarcastique et cassant quil porte sur ses contemporains éclaire
son cynisme, élevé chez lui au rang dinstrument de pouvoir. Aucune révélation
dans ce dialogue doutre-tombe, mais une personnalité avide dachever
son uvre, de sculpter le dernier marbre de sa statue. «On ne peut rien
contre la volonté dun homme», sentence le vieux président. Mauriac lavait
déjà compris lorsque, en 1959, il écrivait que «Mitterrand avait choisi
de tout sacrifier pour dominer sa vie». Lécrivain ne savait pas encore
quel sens allait prendre ce «tout».
|