Commentaire
Naturalisation

Etrangers… sur papier!

La votation fédérale de septembre dernier l’a confirmé, citoyennes et citoyens helvétiques s’accommodent d’une solide présence étrangère. Après le Luxembourg et le Liechtenstein, la Suisse est en effet le pays d’Europe occidentale qui compte le plus d’étrangers par rapport à sa population: 21,1%. Or la Suisse ne connaît pas plus de problèmes que les pays à faible proportion d’étrangers. Croire qu’il y a un seuil de tolérance n’est pas réaliste. On en veut pour preuve que les étrangers sont aussi bien accueillis à Genève (où ils sont 37,8% de la population), qu’à Uri (où cette proportion chute à 8,3%). Cela s’explique par le fait que la nationalité n’est heureusement de loin pas le seul élément qui compte dans les rapports humains. Sans doute la naturalisation joue-t-elle aussi un rôle particulier dans notre pays. La Suisse figure carrément en queue de peloton des pays de l’OCDE en ce qui concerne le taux de naturalisations. C’est que l’on naturalise plus lentement et plus parcimonieusement que bien d’autres Etats. Résultat? Beaucoup de résidents ne sont en fait étrangers que… sur papier! L’Office fédéral de la statistique (OFS) révèle qu’en 1999 20400 personnes seulement ont acquis la citoyenneté suisse, alors que deux bons tiers des étrangers, soit 633000 personnes, seraient susceptibles d’être naturalisés. On songe notamment au quart des étrangers qui sont nés en Suisse. En font partie les trois cinquièmes des étrangers de moins de 20 ans (62%). Ceux-là fréquentent nos écoles et pratiquent sports et loisirs avec nos enfants. Ce serait grande sagesse que de leur faciliter la naturalisation pour qu’ils bénéficient des mêmes droits et des mêmes devoirs que les Suisses. Ruth Metzler l’a bien compris. Elle présentera d’ici la fin de l’année un projet pour encourager la naturalisation des jeunes qui ont grandi chez nous. D’aucuns prétendront que c’est oublier un peu vite le rejet de la naturalisation facilitée, le 4 décembre 1983. On leur rétorquera que Ruth Metzler a tiré la leçon de cette version hardiment ouverte aux réfugiés et apatrides. On ose par ailleurs espérer que les esprits se sont ouverts depuis 1983. A juger le nombre de mariages entre Suisses et étrangers et le bénéfique flot d’enfants qui en découle, ce devrait être le cas. Mais le comportement de communes telles qu’Emmen ou Pratteln montre qu’il y a encore du travail pour concrétiser l’ouverture plutôt que la discrimination.

Raymond Gremaud / 7 novemre 2000

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