Humeur

La preuve par deux

Après trois semaines de compétition, la grand-messe du football est dite. Avec, en prime, le plus beau des vainqueurs: celui qui a osé jouer l’offensive, sans calcul, ni retenue. Les esprits chagrins évoqueront une dose insolente de chance dans les moments clefs, ceux de mauvaise foi un arbitrage partial et complaisant… N’en déplaise à tous les allergiques au «cocorico», la France était bien la meilleure équipe de cet Euro 2000. Après la Coupe du monde 1998, les Tricolores ont le mérite de confirmer. Selon la formule usuelle, «le plus dur» a donc été réalisé. Ce n’est finalement que justice: ces deux sacres récompensent l’un des derniers pays européens à miser sur la formation. L’avènement des Henry, Trezeguet et autre Anelka est là pour le prouver. A l’heure où les clubs français peinent à l’échelon européen, l’équipe nationale parvient à redorer le blason du coq. Beau pied de nez à tous ceux qui ne conçoivent plus le football qu’à coups de millions. Au bilan de la compétition, mille et un faits mériteraient d’être mis en lumière. S’il fallait n’en retenir qu’un, honneur serait rendu aux techniciens. Les Figo, Davids, Totti et, bien sûr, l’inévitable Zidane, ont offert un récital que l’on croyait l’apanage d’une période définitivement révolue. Le mérite en revient en grande partie au corps arbitral, quasi irréprochable, dont la rigueur et la sévérité ont découragé jusqu’aux plus rugueux des défenseurs. Ce tournoi a révélé l’émergence du Portugal et la confirmation de la Hollande, deux équipes qui auraient également constitué de beaux vainqueurs. Las pour eux, les premiers sont tombés trop vite sur le futur champion, et les seconds se sont montrés bien trop maladroits face à l’autre finaliste. Quant aux Allemands et aux Anglais, ils auront indéniablement constitué les deux grosses déceptions de l’exercice. Mais pour qu’un grand tournoi reste dans les annales de l’histoire, encore faut-il que la finale soit à sa hauteur. Si du point de vue technique, le dernier acte fut quelque peu décevant, il fut par contre palpitant de par son engagement et, surtout, son dénouement. Et quels goals! Trois merveilles mêlant à la fois finesse et puissance, abnégation et roublardise. Une fois le grand livre de cet Euro refermé, restent des images fortes. Le regard vide d’un Lemerre épuisé, le «sitting» improvisé par quelques Tricolores pour mieux profiter de l’instant, la détresse des Italiens passés si près du bonheur. Et si vous avez manqué ces instants volés, pas de panique: durant deux ans au moins, les chaînes françaises se chargeront bien d’en faire des références incontournables. Les allergiques n’auront plus qu’à se reporter sur la… RAI.

Marc Valloton / 4 juillet 2000

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