FEMME DE L’OMBRE
Esther Pipoz
Soixante ans de gymnastique

Esther Pipoz va fêter samedi ses 80 ans. Signe particulier, la Bulloise est monitrice de gymnastique depuis plus de soixante ans. Fondatrice du groupe de gym pour aînés, elle en est toujours membre active. C’est que «Mimi» a quelques secrets de longévité...


Esther Pipoz: «Si les gens n’avaient pas été si enthousiastes durant toute ces années, je n’aurais jamais eu le courage de rester si longtemps» (M. Rouiller)

«Bonjour! Nous aimerions écrire un article sur vous et vos soixante ans d’activité dans le monde de la gymnastique. On pourrait se rencontrer?» La dame s’étonne: «Un article sur moi? Mais, il n’y a rien à dire! J’ai fait ça tout naturellement.» On insite et madame cède: «Si vous y tenez, je veux bien que vous écriviez deux ou trois lignes…» D’abord dubitative, Madame Esther Pipoz, 80 ans, consent finalement à raconter sa vie. Avec pour fil rouge – mais pouvait-il y en avoir un autre? – la gymnastique.
De ses débuts avec les pupillettes, puis de sa première fonction en tant que monitrice à l’âge de 18 ans, la Bulloise a gardé un souvenir assez vague. Son poste de présidente de l’Assiociation fribourgeoise de gymnastique lui a laissé un souvenir plus précis. «J’ai parfois oublié quelques dates mais ça, je m’en souviens très bien! Je suis restée quatre ans. Une dame voulait absolument reprendre mon poste et attendait que je m’en aille. Après mon temps réglementaire, je lui ai très volontiers cédé ma place. D’autant plus que je me mariais!»
Esther avait alors 26 ans. Elle compte aujourd’hui cinquant-quatre ans de vie commune avec Louis, dont elle a eu deux enfants. «Peut-être est-ce cinquante-trois ans…», hésiste-t-elle, avant de trancher. «Il faut croire que je n’ai pas été trop malheureuse, puisque j’ai arrêté de compter.»

La scène de l’Hôtel de Ville
Dans les années 1950, emmenant ses petites filles Rose-Marie – aujourd’hui présidente de l’Association fédérale des maîtres d’éducation physique – et Claire-Lise, Esther Pipoz lance dans la région la gymnastique «Mère et enfants». Une première en Gruyère. Deuxième innovation pour l’infatigable gymnaste, elle fonde en 1968 le groupe de gym pour les aînés. Des débuts sur la scène de l’Hôtel de
Ville, elle en garde un souvenir quelque peu embué. A l’image du premier local d’entraînement… «Lorsqu’on arrivait dans la salle, le lundi, on devait aérer pour évacuer la fumée du week-end! On utilisait les chaises pour les exercices. Il fallait économiser de la place, on ne disposait que de la grande scène.»
Aujourd’hui, si les infrastructures ont changé – depuis 1975, la joyeuse bande se retrouve tous les lundi à la halle de la Condémine – l’esprit est resté le même. «Ça me ferait mal que ça change! Les gens sont si motivés, ils ont tellement envie d’apprendre, que c’est fantastique! Et puis, on aime bien rigoler!»
Autre nouveauté, les hommes, qui ont désormais leur place dans le groupe. Ce qui n’est pas forcément pour déplaire à ces dames. «Je dois dire que nos messieurs sont tous charmants. Surtout, ils adorent venir aux cours!»
A la question de citer l’un ou l’autre de ses meilleurs souvenirs, Esther Pipoz est soudain bien empruntée. «J’en ai que des bons, s’excuse-t-elle presque. Même cette dame qui voulait prendre ma place à la cantonale. Je la croiserais maintenant, ça me ferait vraiment plaisir!»

Tous les sport à la TV
Que peut-il y avoir de commun entre la gymnastique et la compétition pure et dure? «En compétition, les gens sont un peu plus hautains. Ils se croient peut-être meilleurs que les autres. Mais franchement, je regarde tous les sports à la télévision. Je ne peux donc pas dire que je ne les aime pas! Sauf la boxe, parce que c’est trop violent. Pour ceux qui la pratique bien, ce doit être joli à regarder. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est de la bagare.»
Si le bénévolat signifie encore quelque chose pour certains, peu nombreux sont ceux qui durent aussi longtemps. Comment expliquer pareille longévité? «Personne n’a osé me mettre à la porte (rires)! En fait, la chance a joué un grand rôle là-dedans. A mon âge, je peux m’estimer heureuse de pouvoir rester active. Et puis, ça fait partie de ma vie. J’avais ma famille, je travaillais avec mon mari et nous allions à la montagne le dimanche. A côté de cela, j’avais la gym.»

Malgré le temps qui passe
Trente-quatre ans séparent les débuts à l’Hôtel de Ville, lorsque les dames participaient aux cours en robes à fleurs, et les leçons d’aujourd’hui. Les temps changent. Mais pas pour Mimi Pipoz, pourtant témoin privilégié des années qui passent: «Je ne trouve pas que les gens aient changé. Ils ont toujours du plaisir et de l’enthousiasme. S’ils n’avaient pas été comme ça, je n’aurais jamais eu le courage de rester si longtemps.»

Karine Allemann / 29 août 2002

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