Un petit signe de
baguette et, dun seul coup, la grande salle du café La
Coopérative de Chamoson subit un assourdissant séisme
musical. Imaginez plutôt, une huitantaine de solides militaires
armés de cornets, de trompettes, de bugles, daltos, deuphoniums,
de barytons, de trombones et autres basses, mais aussi de clarinettes,
de flûtes, de hautbois
Sans parler des différents
instruments de percussions, dont les immenses étuis, rangés
en fond de salle, recouvrent à eux seuls deux ponts de camion!
Dhabitude, lendroit accueille la fanfare radicale du village.
Celle du Régiment 7, elle, ne fait pas de politique. Ses cinq
joueurs de tambour sentraînent eux aussi. Mais dans une
autre salle située 300 mètres en amont, dans le café
La Concordia, fief de la formation démocrate-chrétienne.
Avenir incertain
Cette année, ils sont 89 à composer les rangs de la fanfare
du Régiment 7, placée sous les ordres dun nouveau
chef, le premier-lieutenant Christian Chenaux, dArconciel. Cest
la quatrième fois quelle effectue son service dans le hameau
valaisan. En ce mardi matin de deuxième semaine de cours, des
chaises demeurent vides. Il faut dire que certains nont plus que
quelques jours à «tirer». Ils rejoindront donc les
rangs en troisième semaine seulement.
Pour parvenir à réunir cet ensemble, constitué
en harmonie, il a dailleurs fallu ratisser large. Jusque dans
les rangs de musiciens dhabitude incorporés parmi les fusiliers
ou les lance-mines du régiment. Mais aussi parmi dautres
formations de Suisse romande. Ils sont ainsi une vingtaine de Vaudois
et de Valaisans à garnir les rangs de la fanfare fribourgeoise.
«Mais tous seront prêts en temps voulu», assure le
sergent-major Laurent Eltschinger, de Posat, qui veille au grain, tel
un bon pasteur, afin que ses ouailles naient dautre souci
que celui de jouer. Répéter. Et saméliorer
encore. Jusquaux concerts de gala donnés à la fin
de la semaine prochaine. Les derniers sans doute: réforme Armée
XXI oblige, il est fort probable quil sagisse de lultime
service dinstruction dans le cadre régimentaire.
Ensuite? Leffectif de la musique militaire suisse sera en principe
réduit de deux tiers environ, passant de 3500 hommes actuellement
à un peu plus dun millier. Ceux qui demeureront astreints
au service iront garnir les rangs des quinze futures fanfares de troupes,
qui remplaceront la cinquantaine densembles actuels.
Une compagnie
à part
Musique davenir. Pour lheure, les membres de la fanfare
du Régiment 7 ne sen soucient pas trop. Durant ces trois
semaines, leur quotidien est rythmé par un ordre du jour aussi
régulier quun tic-tac de pendule. Le matin: répétitions.
Laprès-midi: répétitions. Le soir, en cas
de retard dans le programme: répétitions
Entre deux, lambiance est à la bonne humeur. Et les instants
de détente nombreux. Car, excepté luniforme gris
vert, rien ou presque ne rappelle que les hommes accomplissent en ce
moment leur service obligatoire. La fanfare na en effet pas grand-chose
à voir avec une compagnie «traditionnelle»: pas darmes,
et surtout moins de formel et de hiérarchie quailleurs.
Chacun ici semble avoir conscience de son «privilège».
Et tout le monde tire à la même corde.
«Cest vrai quil y a de la jalousie envers la fanfare»,
confie Laurent Eltschinger durant la pause. «Cest normal:
le reste du régiment la voit uniquement descendre du bus, jouer
lhymne national et repartir. Elle a la réputation de passer
toute la journée au bistrot. Or, je peux vous assurer quelle
accomplit un immense travail. Dailleurs, jinvite chaque
année les officiers des autres compagnies à venir suivre
une répétition. Ça ne va pas changer notre image,
mais il faut bien essayer
»
Quelque peu jalousés
Au Régiment 7, il en a dailleurs toujours été
ainsi. Musiciens adulés par le public lors des concerts, les
membres de la fanfare sont aussi des militaires quelque peu jalousés
par leurs collègues dunité. Un destin atypique,
vieux dun peu plus de cinquante ans, et qui devrait sachever
à la fin de la semaine prochaine, à lissue de lultime
concert.
Encore que la réputation des musiciens-soldats fribourgeois les
précédera sans doute dans leur nouvelle unité.
Difficile en effet de faire taire les mauvaises langues lorsque lon
accomplit son dernier cours de répétition au beau milieu
de lun des plus importants vignobles du Valais. Pendant que dautres
triment dans la région de LHongrin ou du Simplon
La fanfare du
Régiment 7 donnera deux concerts de gala dans le canton. Estavayer,
salle de la Prillaz, mercredi 17 avril, à 20 h. Fribourg, aula
de lUniversité, jeudi 18 avril, à 20 h
Marc
Valloton /
13 avril 2002