Régiment 7
La fanfare en fin de partition

Née au début des années cinquante, la fanfare du Régiment 7 devrait refermer défini-tivement sa partition à l'issue du présent cours de répétition. Pour les 89 musiciens qui la composent cette année, dont une immense majorité de Fribourgeois, l’avenir est encore flou. Quant aux anciens, ils voient là un pan d’histoire cantonale se tourner. Reportage à Chamoson, en pleine préparation du concert final.


A la veille de sa probable disparition, la fanfare du Régiment 7 en répétition à Chamoson (C. Dutoit)

Un petit signe de baguette et, d’un seul coup, la grande salle du café La Coopérative de Chamoson subit un assourdissant séisme musical. Imaginez plutôt, une huitantaine de solides militaires armés de cornets, de trompettes, de bugles, d’altos, d’euphoniums, de barytons, de trombones et autres basses, mais aussi de clarinettes, de flûtes, de hautbois… Sans parler des différents instruments de percussions, dont les immenses étuis, rangés en fond de salle, recouvrent à eux seuls deux ponts de camion!
D’habitude, l’endroit accueille la fanfare radicale du village. Celle du Régiment 7, elle, ne fait pas de politique. Ses cinq joueurs de tambour s’entraînent eux aussi. Mais dans une autre salle située 300 mètres en amont, dans le café La Concordia, fief de la formation démocrate-chrétienne.

Avenir incertain
Cette année, ils sont 89 à composer les rangs de la fanfare du Régiment 7, placée sous les ordres d’un nouveau chef, le premier-lieutenant Christian Chenaux, d’Arconciel. C’est la quatrième fois qu’elle effectue son service dans le hameau valaisan. En ce mardi matin de deuxième semaine de cours, des chaises demeurent vides. Il faut dire que certains n’ont plus que quelques jours à «tirer». Ils rejoindront donc les rangs en troisième semaine seulement.
Pour parvenir à réunir cet ensemble, constitué en harmonie, il a d’ailleurs fallu ratisser large. Jusque dans les rangs de musiciens d’habitude incorporés parmi les fusiliers ou les lance-mines du régiment. Mais aussi parmi d’autres formations de Suisse romande. Ils sont ainsi une vingtaine de Vaudois et de Valaisans à garnir les rangs de la fanfare fribourgeoise.
«Mais tous seront prêts en temps voulu», assure le sergent-major Laurent Eltschinger, de Posat, qui veille au grain, tel un bon pasteur, afin que ses ouailles n’aient d’autre souci que celui de jouer. Répéter. Et s’améliorer encore. Jusqu’aux concerts de gala donnés à la fin de la semaine prochaine. Les derniers sans doute: réforme Armée XXI oblige, il est fort probable qu’il s’agisse de l’ultime service d’instruction dans le cadre régimentaire.
Ensuite? L’effectif de la musique militaire suisse sera en principe réduit de deux tiers environ, passant de 3500 hommes actuellement à un peu plus d’un millier. Ceux qui demeureront astreints au service iront garnir les rangs des quinze futures fanfares de troupes, qui remplaceront la cinquantaine d’ensembles actuels.

Une compagnie à part
Musique d’avenir. Pour l’heure, les membres de la fanfare du Régiment 7 ne s’en soucient pas trop. Durant ces trois semaines, leur quotidien est rythmé par un ordre du jour aussi régulier qu’un tic-tac de pendule. Le matin: répétitions. L’après-midi: répétitions. Le soir, en cas de retard dans le programme: répétitions…
Entre deux, l’ambiance est à la bonne humeur. Et les instants de détente nombreux. Car, excepté l’uniforme gris vert, rien ou presque ne rappelle que les hommes accomplissent en ce moment leur service obligatoire. La fanfare n’a en effet pas grand-chose à voir avec une compagnie «traditionnelle»: pas d’armes, et surtout moins de formel et de hiérarchie qu’ailleurs. Chacun ici semble avoir conscience de son «privilège». Et tout le monde tire à la même corde.
«C’est vrai qu’il y a de la jalousie envers la fanfare», confie Laurent Eltschinger durant la pause. «C’est normal: le reste du régiment la voit uniquement descendre du bus, jouer l’hymne national et repartir. Elle a la réputation de passer toute la journée au bistrot. Or, je peux vous assurer qu’elle accomplit un immense travail. D’ailleurs, j’invite chaque année les officiers des autres compagnies à venir suivre une répétition. Ça ne va pas changer notre image, mais il faut bien essayer…»

Quelque peu jalousés
Au Régiment 7, il en a d’ailleurs toujours été ainsi. Musiciens adulés par le public lors des concerts, les membres de la fanfare sont aussi des militaires quelque peu jalousés par leurs collègues d’unité. Un destin atypique, vieux d’un peu plus de cinquante ans, et qui devrait s’achever à la fin de la semaine prochaine, à l’issue de l’ultime concert.
Encore que la réputation des musiciens-soldats fribourgeois les précédera sans doute dans leur nouvelle unité. Difficile en effet de faire taire les mauvaises langues lorsque l’on accomplit son dernier cours de répétition au beau milieu de l’un des plus importants vignobles du Valais. Pendant que d’autres triment dans la région de L’Hongrin ou du Simplon…

La fanfare du Régiment 7 donnera deux concerts de gala dans le canton. Estavayer, salle de la Prillaz, mercredi 17 avril, à 20 h. Fribourg, aula de l’Université, jeudi 18 avril, à 20 h

Marc Valloton / 13 avril 2002

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