Le rail fait tellement
partie du paysage de Romont quon oublie toute lhistoire,
souvent animée, qui sous-tend cent quarante ans de présence
du train dans le chef-lieu glânois. Un oubli que la Société
de développement répare avec lexposition «Trains
de vie», à la Tour de Fribourg.
Espace semi-circulaire situé sur le rempart nord, cette belle
tour a été restaurée par la commune en 1996. Depuis,
elle est entièrement dédiée à lhistoire
romontoise, sous une forme permanente, avec plans et vues de la ville
autrefois, et sous la forme dune manifestation ponctuelle. Celle
consacrée à ces «Trains de vie» reste en place
de Pâques à la Toussaint.
En cent quarante ans, le matériel roulant, les gares, les conditions
de travail des cheminots, tout a énormément évolué:
ce sont des aspects de ce progrès que montre lexposition.
La ligne Lausanne-Berne est mise en service en 1862, dix-sept ans après
les premières discussions, qui nétaient pas faciles,
car Vaudois et Fribourgeois défendaient bec et ongles des tracés
différents. Les premiers écartent même Lausanne
au profit de Morges! Et si les Fribourgeois lemportent, cest
parce quil y a des bruits de bottes dans le pays: la Prusse veut
asseoir sa souveraineté sur le canton de Neuchâtel.
Gruériens
obstinés
Grâce aux hauts gradés de larmée qui siègent
aux Chambres fédérales, le projet fribourgeois obtient
gain de cause. Linauguration de la ligne Fribourg-Oron-Lausanne,
le 3 septembre 1862, est restée dans les annales. Les bristols
dinvitation mentionnent que «chaque invité a le droit
de prendre avec lui deux dames»! Pour la petite histoire, on retiendra
que lEtat de Fribourg a dépensé plus de 42 millions
de francs, une fortune colossale à lépoque, pour
doter son territoire dune ligne de chemin de fer
Lexpo évoque aussi la ligne Bulle-Romont, qui doit son
existence à la rivalité entre Vaud et Fribourg pour le
tracé de la grande ligne transversale entre Lausanne et Berne.
Le choix du Conseil fédéral condamne dans un premier temps
Bulle à rester à lécart des grands axes.
Mais cest mal connaître les Gruériens! Appuyés
par la commune de Bulle, ils se battent, avec succès, pour construire
une ligne qui va se greffer, au terminus de la gare de Romont, sur cette
transversale. Linauguration a lieu en juillet 1868 et la construction
a coûté 2,7 mio.
Un tramway resté
désir
Ce qui est amusant, cest que Romont, en 1907, avait envisagé
de se doter dune ligne de tramway dune longueur de 1450
mètres, qui aurait grimpé, en dix minutes, de la gare
à la partie haute de la ville. La concession a même été
accordée par les Chambres fédérales. Toujours dactualité
en 1910, le projet tombe aux oubliettes par la suite
Noms des chefs de gare (ils nont été que huit depuis
1902, Ernest Castella, dAlbeuve, ayant accompli le plus long bail,
de 1911 à 1932), personnel (30 employés à la gare
en 1906: ils sont aujourdhui 25), coût de la vie (il fallait,
à un terrassier, une heure de travail pour pouvoir acheter un
kilo de beurre), architecture de la gare, bâtie en 1922: toute
cette histoire est passionnante. Lexpo fait aussi un clin dil
aux personnalités célèbres que le train a fait
passer à Romont, comme Napoléon III et Victor Hugo, quune
foule compacte a acclamé. «A Romont, ils entrent dans le
wagon en foule et me serrent la main. Un prêtre me regarde de
travers», note dans son carnet de voyage lillustre écrivain
Romont, Tour
de Fribourg (rempart nord), jusquau 3 novembre,
tous les jours de 10 h à 20 h
Marie-Paule
Angel /
2 avril 2002