Mike Horn

Arktos, «balade» polaire

Le 18 février, Mike Horn s’envolera de Genève pour une nouvelle aventure. Cette fois, très glaciale. Il passera de la Russie au Canada via le pôle Nord, avant de faire le tour de la planète sur le cercle polaire. Un défi de quelque dix-huit mois.


Mike Horn: «Je n’ai pas d’expérience polaire, mais j’aime la glace et le froid. C’est déjà ça!» ( C. Dutoit)

Son nouveau projet de périple, Mike Horn l’a baptisé «Arktos», ours en grec, en référence à la constellation de la Grande Ourse, très visible dans le ciel arctique. Des étoiles qu’il pourra observer durant quelque dix-huit mois, le temps qu’il compte mettre pour rallier la Sibérie au Canada en passant par le pôle Nord, puis faire le tour de la planète sur le cercle polaire. Une aventure de près de 20000 kilomètres, qu’il va vivre seul, sans moyens motorisés.
Mike Horn n’allait pas rester éternellement dans son havre des Moulins. Un peu plus d’un an après avoir bouclé son tour du monde sur l’équateur, il fallait s’attendre à ce que le désir de relever un nouveau défi le happe. D’ailleurs, il y songeait déjà alors qu’il transpirait encore à la latitude zéro. Et s’il rêvait d’un climat moins chaud, il sera assurément servi dans son prochain projet. Dans l’immensité
glaciaire, les températures de –60o risquent en effet d’être son lot quotidien durant la période hivernale. Un environnement que ce Sud-Africain de naissance a eu fort peu l’occasion de connaître, si ce n’est lors d’un séjour en mai dernier au Groenland en compagnie des al-pinistes Erhard Loretan et Jean Troillet.

«Mise en condition»
Pour un aventurier, c’est justement l’inconnu qui fait tout l’attrait d’une expédition. Mike Horn compte sur la traversée par le pôle Nord pour «s’échauffer et se mettre en condition». C’est lors de ces quelque 1850 km qu’il espère acquérir les connaissances nécessaires à la suite de son parcours circumpolaire. «Là, je devrai effectuer 10000 km en hiver à travers la Russie.»
Même si, à l’entendre, l’entreprise paraît peu exceptionnelle, Mike Horn sera – s’il parvient à son premier objectif – le deuxième homme à atteindre le pôle Nord en solitaire. Le premier étant le Norvégien Børge Ousland. C’est justement à cet explorateur qu’il admire que Mike Horn a demandé conseils et informations pour mettre sur pied son voyage. «Je le considère un peu comme le parrain de cette expédition. Je vais partir du même endroit que lui.» A savoir l’île de Sredney.
C’est le 18 février qu’il décollera de Genève, direction Moscou. Là, il s’agira de dédouaner le matériel, de rencontrer les autorités. Une équipe de quatre personnes, dont son frère Martin, se relaiera durant le périple pour s’occuper des aspects logistiques. Puis, l’aventurier s’envolera à Khatanga, «où on a découvert des mammouths gelés». Dans cette ville, Mike Horn finalisera ses préparatifs et dira sans doute au revoir à son épouse et à ses deux filles.

Mike Mac Gyver
Pour la première partie glaciaire de son expédition, il va tirer un traîneau de près de 200 kilos équipé de flotteurs pour passer les endroits où la couche de glace sera brisée. «Car le plus grand problème de la glace, c’est qu’elle casse. J’ai une combinaison étanche si je dois nager, explique-t-il. Mais si je tombe à l’eau et que le traîneau se retourne et coule, je suis foutu.» Afin de se protéger des températures extrêmes et des forts vents, il aura une tente conçue spécialement pour ce voyage, un sac de couchage prévu pour résister à –50o, ainsi qu’un matelas rempli de duvet.
Pour le reste du matériel, Mike Horn a pensé à une foule de détails qui rappellent les ingéniosités d’un certain Mac Gyver… Par exemple, un système de tuyau à enrouler sur son corps lui permettra de respirer de l’air tempéré en cas de températures trop basses. Ou encore, un plastique placé dans son sac de couchage évitera que sa transpiration ne transforme ce dernier en gros glaçon. Par contre, il est encore à la recherche d’une solution pour les fixations de ses skis: «Je dois trouver quelque chose qui soit léger, ne casse pas avec le froid et soit facilement éjectable en cas de chute dans l’eau.» Enfin, quand cela sera possible, l’aventurier utilisera également un cerf-volant pour se faire tracter. Durant cette période, la seule compagnie de Mike Horn sera les ours. «Ils sont gentils… enfin, je l’espère!» En revanche, l’ennemi qu’il craint davantage c’est le silence. Cette absence totale de bruit qui peut angoisser et monter à la tête.

Prendre du poids
Quant à sa nourriture, elle sera essentiellement constituée d’aliments caloriques, tels que le cho-colat et les fruits secs. Il partira
également avec un mélange de graines-céréales miracle concocté par son épouse, un gâteau inédit d’une supportrice damounaise et un morceau d’Etivaz, cela va de soi. En fonction des lieux et des saisons, il s’alimentera encore de poisson et de chasse. Pour l’instant, l’homme essaie de prendre le plus de poids possible avant son départ, car il estime qu’il perdra environ vingt-cinq kilos durant sa traversée du pôle. Mais pour le moment, ses efforts semblent peu concluants: «Je n’ai pris qu’un kilo deux cents en deux mois!» Ce qui n’est pas étonnant, sachant que le sportif s’entraîne assidûment depuis plusieurs semaines.
Une dizaine de points de «ravitaillement» sont prévus tout au long de l’expédition. Ils permettront à Mike Horn de changer de maté- riel et d’équipement en fonction des besoins des différentes étapes, mais aussi de retrouver ses amis et sa famille. «Cette fois, j’ai davantage envie de partager ce périple avec le public et mes proches.» Une équipe de tournage profitera aussi de ces rendez-vous pour réaliser une série de films documentaires, non seulement sur l’aventurier mais aussi sur les régions traversées.

Les courants du Béring
Après les skis et le traîneau sur la calotte polaire, Mike Horn enfilera ses chaussures de marche dès qu’il touchera le continent. Derrière lui, il tirera un kayak lui permettant de traverser les nom- breux lacs, rivières et maré- cages qu’il rencontrera sur sa route cana-dienne. Il devra aussi faire avec les «wagons de moustiques». Puis, après le passage de deux zones montagneuses, ce sera l’arrivée au détroit de Béring. «Là, j’espère que l’eau sera assez gelée pour marcher le plus loin possible et utiliser le kayak le moins possible. Les courants sont très forts dans cette région et le danger est de trop dériver, surtout la nuit durant le sommeil. Je pourrais alors me retrouver au Japon!»
Mike Horn reprendra ses skis, sa luge et son cerf-volant dès qu’il arrivera sur le sol sibérien. «Après la traversée d’un massif montagneux, ce sera la toundra. La vie sera belle!» Enfin, presque. L’homme devra cheminer durant quatre mois dans la nuit, hiver polaire oblige. Si le pari est de ne jamais descendre en dessous du cercle arctique, il essaiera de se rapprocher le plus possible des forêts pour se protéger du froid et faire du feu. Pour l’orientation, il comptera sur la traditionnelle boussole (en tenant compte du pôle magnétique…) durant les 20000 km de son voyage. «J’utiliserai aussi un GPS, mais cela consomme beaucoup de piles et elles ne seront pas toujours rechargeables avec mes petits panneaux solaires.»
La dernière partie du projet Arktos comprendra la traversée de la Russie au Groenland. Pour ce faire, l’aventurier deviendra navigateur sur un voilier brise-glace, «un bateau d’enfer qui, j’espère, ne jouera pas les Titanic». Et quand il zigzaguera parmi les icebergs, Mike Horn ne sera plus qu’à quelques semaines de son retour au Pays-d’Enhaut.

Pour suivre le périple de Mike Horn ou lui envoyer des messages: www.mikehorn.com
(actualisé dès la semaine prochaine)

Florence Luy / 12 janvier 2002

I Les titres I Editorial I Sports