GRUYÈRE Faune

Le loup aux portes du canton

Personne n’en doute: le retour du loup en terres fribourgeoises est programmé. Sa présence avérée à une vingtaine de kilomètres des frontières du canton de Berne en témoigne. Les chasseurs ne voient pas d’un mauvais œil l’arrivée du grand prédateur, au contraire. Mais ils veulent pouvoir le «réguler» en cas de surnombre.

 

Ce n’est plus qu’une question de temps. Chacun en convient. Le loup, tôt ou tard, finira par faire une incursion sur le sol fribourgeois. «Nous devons évidemment nous attendre à des apparitions furtives ou plus durables», confirme Paul Demierre, chef du secteur chasse auprès du Service des forêts et de la faune. Il faut dire que le carnassier n’est déjà plus très loin: les autorités bernoises ont confirmé sa présence à Pohlern, près de Thoune. A une vingtaine de kilomètres, à vol d’oiseau, des frontières cantonales.
«L’arrivée probable du loup provoque de l’inquiétude auprès d’une certaine tranche de la population, en particulier chez les personnes qui vivent de l’élevage», remarque Eric Gobet, président de la Fédération des chasseurs fribourgeois (FCF). Laquelle ne se déclare hostile ni à la présence de ce «super prédateur qui vient enrichir notre faune», ni aux concessions à faire pour cohabiter avec lui. Eric Gobet émet pourtant quelques réserves. Et réitère la demande faite par la FCF, il y a six ans, concernant le suivi des animaux nés en captivité. Car la fédération doute d’une arrivée naturelle du loup depuis l’Italie et penche plutôt pour des lâchers…

La FCF veut pouvoir réguler
Deuxièmement, soulignent les chasseurs fribourgeois, «le retour du loup et le succès d’une colonisation passent par la présence d’une meute». Ainsi, si un individu isolé n’a que peu d’impact sur le gibier et le bétail, «il en est tout autre si une meute devait se former dans notre canton». Enfin, la FCF souhaite que le loup, comme le lynx, «puisse vivre en harmonie en Suisse et sur Fribourg». Elle demande donc que cet animal puisse être géré. «Le fait de rendre possible la chasse de ces prédateurs en cas de surnombre, afin d’éviter des déséquilibres, est le meilleur moyen de les faire accepter par les milieux vivant quotidiennement avec eux», estime Eric Gobet. Et d’ajouter que, si le loup pouvait être «régulé», la FCF serait d’accord de participer au financement des dégâts causés aux animaux de rente par le biais du Fonds de la faune alimenté par les chasseurs.
Au niveau national, ChasseSuisse ne s’oppose pas non plus au retour du loup. «Tant que les dégâts causés à la faune sauvage ne dépassent pas une proportion supportable», expliquait, fin janvier, la fédération dans un communiqué. Mais la formation «imminente» de meutes la préoccupe: «Ce développement pourrait mettre en question l’utilisation durable de la faune par la chasse comme visé par la loi fédérale.»
Raison pour laquelle la fédération nationale s’oppose, pour l’instant du moins, à toute modification du «Concept loup» qui rendrait plus contraignants les actuels critères autorisant les tirs du grand prédateur. Elle demande à la Confédération de «conduire un examen objectif et intéressant tous les milieux concernés au niveau national sur l’acceptation et la présence du loup en Suisse, sur les possibilités et les coûts dus à la présence de meutes ainsi que l’impact des loups dans les domaines de la diversité des espèces et de l’exploitation du gibier par la chasse». Les résultats de cette étude connus, les buts concernant la répartition géographique du loup et sa densité devront alors être clairement définis.

Eleveurs encore sereins
Du côté des éleveurs de moutons, les premiers concernés par les attaques, on semble rester serein face au retour programmé du loup dans les Préalpes: «On y pense sans y penser», résume Stéphane Klopfenstein, gérant de la Fédération fribourgeoise de l’élevage des chèvres et des moutons. Mais on y pense quand même: une conférence sur le thème devrait être organisée par le syndicat nez noir fribourgeois, le 9 mars prochain à Mézières, en présence de Jean-Marc Landry, l’ancien Monsieur Loup de la Confédération, qui œuvre actuellement dans le parc du Mercantour, en France voisine.
S’il en est qui, par contre, se réjouissent sans réserve du retour du loup en terres fribourgeoises, ce sont les membres du WWF. Qui espèrent que les autorités cantonales n’agiront pas comme leurs homologues valaisannes, qui ont récemment délivré une autorisation de tir sans tenir compte d’une interdiction du Tribunal cantonal. L’organisation écologique souhaite plutôt que Fribourg prenne exemple sur Berne qui, après l’affaire de Pohlern – huit moutons tués – a annoncé vouloir prendre des mesures de prévention pour les éleveurs et mettre en place un centre de compétence qui leur fournisse conseils et chiens de protection.
«Les autorités bernoises prévoient également un groupe de travail réunissant la Confédération, le canton, les éleveurs, les chasseurs, les organisations de protection de la nature et des spécialistes de la prévention afin de garantir la coexistence à long terme», souligne Véronique Savoy Bugnon. Pour laquelle il serait même «idéal que les auto-rités agissent proactivement. En effet, il est plus facile d’agir efficacement et de prévenir des dégâts avant une situation de crise.» Pour la représentante du WWF fribourgeois, la coexistence avec le loup est possible moyennant certaines mesures de protection telles que chiens, clôtures, bergers ou ânes. L’organisation a d’ailleurs publié une brochure destinée aux éleveurs de petits animaux de rente.

 

 

Patrick Pugin
22 février 2007

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

Droits de reproduction et de diffusion réservés © La Gruyère 2003 – Usage strictement personnel