Steve Jobs a inventé
le premier Apple Computer dans son garage de Silicon Valley, il y a
presque trente ans. Dans son garage de La Tour-de-Peilz, Jean-François
Henry na pas conçu une technologie qui révolutionnera
linformatique. «Mais un truc tout bête auquel personne
navait pensé.» Le truc? Un filet tendu entre deux
piquets que lon plante dans le sol. Il permet aux footballeurs
de travailler leur technique par le footballtennis (ou tennis-ballon).
Du premier filet quil a conçu en 2002 pour son équipe,
les M15 de Montreux, à ceux quil a livrés vendredi
dernier à léquipe de France, le nouvel entraîneur
du FC Farvagny a passé des heures et des heures dans son garage,
à fabriquer personnellement les centaines dinstallations
vendues en Europe. Une idée géniale, quil a dailleurs
brevetée. Ancien défenseur en LNA avec Vevey, Lausanne
et Servette, le Vaudois pourrait bien laisser tomber ses activités
de publicitaire pour se consacrer exclusivement à la fabrication
de ses filets.
Jean-François
Henry, comment sont nés vos filets dentraînement
pour footballeurs?
Je cherchais un moyen de travailler la technique et la coordination
des jeunes que jentraînais. Le concierge de notre stade
voulait jeter un vieux filet de but, je lai récupéré
pour fabriquer un filet de tennis-ballon que lon pouvait monter
rapidement sur le terrain. Quand jétais joueur, jadorais
ça.
Comment,
ensuite, ont-ils pu connaître une telle ampleur, jusquà
léquipe de France?
Yves Débonnaire, qui est un ami et dont le fils jouait dans
mon équipe, la vu lors dun de mes entraînements.
Comme il partait à Macolin donner des cours aux entraîneurs,
il ma demandé un filet pour une démonstration. Le
jour suivant, il ma appelé pour me dire que Lucien Favre
et Didi Andrey en voulaient un. Ensuite, cest lAssociation
suisse de football (ASF) qui ma demandé de fournir toutes
ses sélections nationales, y compris léquipe A.
En deux semaines, on men a commandé une cinquantaine.
Mais quest-ce
que votre filet a de si génial?
Aux enfants, il permet de travailler la technique et la coordination.
Quant aux pros, ils lutilisent pour le décrassage. Et en
plus les joueurs samusent comme des gamins. Mais si le filet a
du succès, cest aussi parce quil se monte très
facilement. Il est léger (plié dans un sac, il a la grandeur
dune petite tente) et on peut lemmener partout. En plus,
je le vends 380 francs, ce qui représente la moitié du
prix dun filet traditionnel de tennis-ballon.
Quand
avez-vous compris quune large commercialisation était possible?
Assez rapidement, jai cherché des matériaux
plus légers pour pouvoir les envoyer facilement par la poste.
Jai aussi écrit à Raymond Domenech qui, à
lépoque, entraînait les M21 français. Il ma
dit que sil fallait trois minutes pour monter mon filet, ça
ne lintéressait pas. Jai répondu quune
minute suffisait, il la adopté. Quand jai vu que
ça marchait avec les jeunes, jai écrit à
léquipe A. En septembre 2003, le super intendant des Bleus
ma appelé à la maison. Léquipe de France
étant en stage à Nyon, je lui ai livré quelques
filets.
Vous avez
aussi conquis lEurope
Jai écrit à lUEFA, qui ma invité
en juillet 2003 à une réunion de tous les chefs techniques
européens. Les fédérations espagnole et italienne,
notamment, men ont commandé. Même chose avec le FC
Barcelone. Jai écrit aux dirigeants presque pour rigoler.
Mais quand ils sont venus en stage en Suisse, ils sont repartis avec
cinq de mes filets dans leurs bagages. Je fournis aussi les clubs suisses
de Super ou de Challenge League, et Lyon, Auxerre, Arsenal
Aujourdhui,
jen ai vendu des centaines.
Vous les
avez tous fabriqués vous-même?
Oui, avec mon fils, étudiant, qui était bien content
de se faire un peu dargent. On ma souvent dit que je devrais
les faire fabriquer en Asie. Mais le côté artisanal me
plaît beaucoup. Et puis, je veux pouvoir répondre personnellement
du produit si quelquun devait être mécontent.
Financièrement
aussi votre idée est intéressante
Bien sûr, je ne vais pas me plaindre! Mais je nutilise
que des matériaux suisses, donc chers. Sur chaque pièce
vendue, la marge nest pas très grande.
Avez-vous
des projets dexpansion?
Oui, je me rends compte quil y a un créneau à
prendre. Franchement, je ne connais pas un seul entraîneur, à
qui jai montré mon filet, qui ne me la pas acheté
par la suite. Jaimerais pouvoir me consacrer exclusivement à
ça, et aussi aux stages dentraînement que je mets
sur pied pour les jeunes.
Si votre
idée est si géniale, vous navez pas peur que quelquun
vous la pique?
Oui, mais cela ne mempêche pas de dormir. Un jour,
il y aura sûrement un plus malin que moi sur le marché.
Mais je crois quil y a de la place pour tout le monde. Et pour
que quelquun me pique mon idée, il faudrait que ses filets
soient de meilleure qualité et moins chers. Ce nest pas
gagné
Renseignements
sur les filets de tennis-ballon au 079 213 39 91 ou sur le site www.foottennissoccer.com.
Chambre
23, celle de Zidane
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A
voir Jean-François Henry feuilleter son album photo et
montrer les dédicaces de Raymond Domenech et de Zinedine
Zidane, on comprend vite que lentraîneur de Farvagny
est «comme un fou» de pouvoir côtoyer ce beau
monde grâce aux filets dentraînement quil
livre aux plus prestigieuses équipes.
Du coup, le Vaudois regorge danecdotes. Invité
à présenter son invention lors de la réunion
de tous les techniciens de la Fédération française
de football, en été 2004, il a eu le privilège
de loger au château de Clairefontaine, résidence
normalement réservée à léquipe
nationale. «Jai même dormi dans la chambre
23, celle de Zidane. Cest la seule qui possède
un balcon.» Il a donc rencontré la grande équipe
de France, celle davant la «génération
reconquête», comme a été baptisée
la formation de Domenech. «Après un entraînement,
jai pris le minibus avec le chef du matériel. A
côté de moi, cétait David Trezeguet.
Arrivé au château, le chef me demande daller
ouvrir la porte. Et là, jai failli tomber par terre.
A lintérieur il y avait Dessailly, Pirès
et Henry, assis sur les ballons, comme une équipe de
juniors!» Marcel Dessailly en a profité pour commander
deux filets pour ses enfants, un pour sa maison de Londres,
lautre pour celle du sud de la France.
Séduit par les filets du Vaudois, le sélectionneur
français lui a demandé den livrer de nouveaux
le week-end dernier. «Mon installation me permet de rester
dans le milieu du foot. Cest génial. Certains jours,
je dois me pincer pour croire que je suis invité à
Clairefontaine, ou comme samedi dans la zone VIP du match France
- Suisse. Cela me procure bien plus démotions que
de savoir si je vais vendre 200 filets le mois prochain!»
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