Dans le parloir
du Carmel, Sur Myriam-Emmanuel parle avec douceur, ponctuant fréquemment
ses phrases dun bon rire. Pour lheure, elle porte un voile
blanc. Le 8 décembre, lors de lEucharistie que présidera
le vicaire général Rémy Berchier, elle recevra
le voile noir. Signe dappartenance, pour toujours, à lordre
des carmélites.
Mais comment cette Vietnamienne sest-elle retrouvée dans
un couvent gruérien? Son parcours ne laisse pas détonner.
Elle naît à Saïgon, le 27 décembre 1960. Troisième
de six enfants, elle se nomme Ngô Thi Thu Húóng,
ces deux derniers mots signifiant parfum dautomne. Son grand-père
est bouddhiste. Mais ses parents, sils pratiquent le culte des
ancêtres, nont pas de religion. Ils se sont connus
à Nantes, où tous deux suivent des études. Un premier
enfant naît en France et les cinq autres (dont Parfum dautomne)
au Viêt Nam.
Un premier déclic se passe alors que la jeune fille est étudiante.
«A 15 ans, jai rencontré deux religieuses catholiques.
Jai été flashée par leur rayonnement. Elles
étaient tellement joyeuses
Je voulais devenir comme elles.
Mais jignorais quil fallait être baptisée
»
A 18 ans, sa maturité en poche, elle décide de poursuivre
ses études en Suisse. Lune de ses surs, de sept ans
son aînée, est étudiante en économie à
lUniversité de Fribourg.
Secrétaire
et infirmière
Myriam prend domicile chez les surs de Baldegg, à Bourguillon,
qui dirigent une école de commerce. Elle apprend le français
et obtient le diplôme fédéral détudes
commerciales. Puis elle travaille comme secrétaire dans une fiduciaire
de Fribourg. Très active, elle suit une formation dinfirmière
assistante à Vevey. Des études quelle paie avec
ses économies, aidant encore sa famille au Viêt Nam.
Après son baptême et sa naturalisation suisse (en 1992),
un nouveau déclic a lieu en 1997. Myriam participe à une
rencontre Prier et témoigner à lUniversité
de Fribourg, marquant le centenaire de la mort de Thérèse
de lEnfant-Jésus. Impressionnée par la rencontre
de surs carmélites du Pâquier, elle prend contact
avec elles. Cest le point de non-retour. Après plusieurs
stages, elle entre comme postulante au Pâquier, le 6 avril 1999.
«Jai choisi la même date que celle de mon baptême,
le 6 avril 1985.»
Un choix joyeux
Sans parler de la période de probation (un an comme postulante,
deux ans comme novice, trois ans comme professe temporaire), les vux
solennels de Sur Myriam-Emmanuel résultent donc dun
lent mûrissement. «Jai longuement réfléchi
à la vie familiale et religieuse. Pour une femme, et dautant
plus pour une Asiatique, il nest pas facile de ne pas avoir denfant.
Ce choix, je lai fait après mon baptême. Et cela
me coûtait...» Bien vite, pourtant, Sur Myriam dit
son enthousiasme: «Mais personne ne ma obligée. Cest
un choix joyeux!» Elle rit, encore, lorsquelle parle de
la retraite quelle va vivre avant le grand événement:
«Normalement, nous vivons dans la solitude pendant dix jours.
Moi, jen ferai onze!»
Durant ces jours de retraite quelle décrit non comme
une épreuve, mais comme un ressourcement Sur Myriam-Emmanuel
ne vivra pas le même rythme que celui de la communauté.
Pour qui ne connaît pas lhoraire régulier des carmélites,
cela tient du marathon. Quotidiennement, les temps de prière
silencieuse, la messe et les offices chantés alternent avec la
lecture spirituelle ainsi que les travaux pour assurer le gagne-pain
de la communauté. Ces journées se vivent le plus possible
en silence, pour permettre le cur-à-cur avec Dieu.
Comme ses consurs, Myriam-Emmanuel est au four et au moulin. Une
sur linitie à la confection des drapeaux. Elle assure
le service de la sacristie et de laccueil. «Si quelquun
sonne quand je suis à latelier, je cours! Ça me
fait de lexercice physique.» Elle consacre aussi trois heures
par jour à des études théologiques. «Je suis
reconnaissante à la communauté, qui me permet dacquérir
des bases solides pour ma foi.» Prochaine étape de ces
trois ans de formation, elle devra remettre, à mi-décembre,
un travail écrit. Thème choisi: le désir du bonheur
selon Aristote.
Vivre le présent
Ajoutez à cela que Sur Myriam-Emmanuel se tient au
courant de lactualité. Les guerres? «On ne peut que
prier. Nous ne connaissons pas le fruit de nos prières. Il faut
avoir la foi. Et si nous vivons harmonieusement entre nous, la paix
se répand dans le monde. Car ce nest pas toujours facile:
vingt-quatre femmes ensemble
Mais sil ny avait pas
de frottements, ce ne serait pas normal!»
Au seuil de prononcer ses vux (pauvreté, chasteté,
obéissance), nest-elle pas effrayée à lidée
quelle va passer le restant de ses jours cloîtrée?
La réponse est sans appel: «Je vis aujourdhui. Et
je me réjouis particulièrement de la présence,
parmi nous, de deux novices et dune postulante. Dieu appelle toujours
et les jeunes daujourdhui savent encore répondre
généreusement.»