Une émotion née de la communion entre une musique proprement
divine et une interprétation particulièrement réussie.
A lévidence, il faut suivre la carrière de Pascal
Pilloud.» Cest par ces propos enthousiastes et prémonitoires
que Patrice Borcard, dans La Gruyère du 18 avril 2000, concluait
la critique dun concert «Bach» donné à
Châtel-St-Denis par le Chur de la Basilique de Lausanne
et lorchestre Musica Poetica dAnnecy.
Quatre ans après, ces deux formations reviennent dans le chef-lieu
de la Veveyse, à linvite de la commission culturelle, pour
un concert qui ne sannonce pas moins «divin», puisquil
comporte le Requiem de Mozart. A quelques jours de ce concert (il a
lieu le 6 novembre), rencontre avec le jeune chef châtelois Pascal
Pilloud, qui dirigera les deux formations.
La musique dès
lenfance
Né en 1974, Pascal Pilloud navait que 19 ans lorsquil
fonde avec des amis le Chur de la Basilique de Lausanne, au niveau
dexcellence unanimement reconnu. Fils dun conducteur de
trains aux CFF, Pascal Pilloud sest établi en 2001 avec
sa femme Véronique elle-même chanteuse dans ce chur
et ses deux enfants, dans la maison familiale de Châtel-St-Denis.
«Ma grande chance a été davoir une maman qui
nous a poussés dès lenfance, mes deux surs
et moi, dans les voies de la musique», explique-t-il. A 6 ans,
il étudiait le piano. A 9 ans, il passait au violon. A 14 ans,
il sinstallait à lorgue
Lautre chance de Pascal Pilloud a sans doute été
aussi de suivre, à Genève, des cours de direction avec
le maître Michel Corboz et de participer aux académies
Bach avec Michael Radulescu. Aujourdhui, à 30 ans, Pascal
Pilloud est, en plus de sa fonction très prenante de chef de
chur, organiste titulaire de Ste-Thérèse à
Lausanne.
Diplômes en poche (un denseignement, un de branches théoriques
et un premier prix de virtuosité dorgue, avec félicitations
du jury, tous acquis au Conservatoire de Lausanne), le jeune chef a
déjà trois disques à son actif: un double CD consacré
à la Klavierübung 111 de Bach, un CD de flûte et orgue
et un de pièces pour orgue (Widor, Duruflé et Dupré)
enregistré sur le grand instrument Cavaillé-Coll de la
basilique Saint-Sernin à Toulouse. Des disques qui ont été
récompensés par plusieurs distinctions. «Cinq diapasons
à la critique du disque, dans la revue spécialisée
Diapason, ça fait quelque chose! Jétais heureux!»
reconnaît-il, visiblement touché. Mais la critique, parfois,
fait mal. «La vraie, celle qui vient de professionnels aux compétences
sérieuses, est toujours constructive, car elle peut impliquer
une utile remise en question. Mais il y a des critiques qui ne sont
pas toujours faciles à encaisser.»
Une voie exigeante
Le temps quil lui reste, Pascal Pilloud le consacre à lenseignement
en privé. «Je ne me verrais pas faire autre chose que de
la musique», dit-il. «Cest un monde très exigeant,
on se met souvent en doute ou en question, mais on est aussi poussé
à élaborer des projets à long terme. A la basilique
de Lausanne (léglise du Valentin, n.d.l.r), nous avons
par exemple remis au goût du jour la tradition des Passions le
Vendredi-Saint. Cela demande un effort extraordinaire de la part du
chur, mais à chaque concert, léglise est bondée!»
Exigeante, la voie de la musique, et donc de lart et de la culture,
lest aussi parce quelle a ses contraintes, notamment financières.
«Largent est un souci permanent dans ce pays. Un souci difficilement
compatible avec les préoccupations artistiques et tout le travail
que cela représente. Mais hélas, il faut faire avec.»
Une manière de (re)mettre le doigt sur un sujet très sensible
dans les milieux culturels, certes reconnus à leur valeur artistique,
mais pas financière
Des réalités matérielles qui nempêchent
pas le jeune chef châtelois de rêver et daller de
lavant. Confiant et enthousiasmé par le concert quil
dirigera à Châtel le 6 novembre (et à Lausanne la
veille), Pascal Pilloud nen caresse pas moins des rêves.
Comme celui, un jour, de «monter» la Transfiguration de
Messian. «On peut y penser. Mais cest tellement géant!»
Du
confesseur au requiem
Une trentaine de
choristes aux registres bien équilibrés (huit par voix),
25 musiciens professionnels rodés au baroque avec des instruments
dancienne facture, comme les cors de basset (une sorte de clarinette
contralto): avec ces deux formations, Pascal Pilloud est confiant, surtout
quil travaille conjointement avec elles depuis plus dun
lustre. «Avec un orchestre classique comme le Musica Poetica dAnnecy,
on atteint, par rapport à un orchestre moderne, un
son plus proche de la voix. Et avec un chur de cette amplitude,
on parvient à beaucoup plus de souplesse, à des lignes
pures, à faire souffler beaucoup dair dans la musique de
Mozart», estime le chef.
En préambule, chur et orchestre joueront les Vêpres
solennelles dun confesseur. Composée en 1780, cette uvre
est significative de «la maturité salzbourgienne de Mozart».
Son célèbre psaume, Laudate pueri, préfigure le
style dramatique du Kyrie du Requiem composé en 1791.
On sait maintenant que cest le comte autrichien Walsegg-Stuppach
qui, via un «messager gris» inconnu, a commandé le
Requiem à Mozart pour sa femme décédée.
De santé très fragile, Mozart na pas eu le temps
dachever cette uvre de commande, terminée vraisemblablement
par son élève et disciple Franz Xaver Sussmayr. Sur la
douzaine de fragments composant la pièce, Mozart nen a
écrit complètement que deux, en laissant six autres dans
un état débauche avancé. Nen demeure
pas moins la beauté «magique», universelle et éternelle
de ce chant funèbre dans sa version complète. Comme le
relèvent plusieurs musicologues, Mozart se savait doué
dun état de grâce, dune sorte de «céleste
inspiration». Le plus surprenant, chez ce génie, reste
sa façon de composer. Comme sil «entendait»
dabord la mélodie dans la tête avant de la transcrire,
composant alors à vive allure. Et sans ratures. Comme disait
le Salieri dans lAmadeus de Milos Forman: une perfection mélodieuse
qui laisse à penser que «ce petit homme est la preuve que
Dieu existe».
Châtel-St-Denis,
église, samedi 6 novembre, à 20 h 30 (réservation:
Radio-TV Châtel, 021 948 77 77)
Une
I Editorial I Gruyère
I Fribourg I Sports
Droits
de reproduction et de diffusion réservés © La Gruyère
2003 Usage strictement personnel