MAGAZINE Contre-projet à l’initiative Avanti

Positions irréconciliables

Le deuxième tunnel du Gothard, l’aide fédérale au trafic d’agglomération, l’enveloppe de 30 milliards… Partisans et opposants au contre-projet à l’initiative Avanti ont des visions diamétralement opposées. Les uns voient dans ce texte une politique d’avenir alors que les autres la trouvent rétrograde.


Le contre-projet à l’initiative Avanti ambitionne de supprimer les bouchons sur les autoroutes suisses (arch - J.-L. Cramatte Freenews)

Le citoyen suisse se prononcera, le 8 février prochain, sur le contre-projet concocté par le Parlement en réponse à l’initiative populaire Avanti, pour des autoroutes sûres et performantes. Ambitions affichées: achèvement du réseau autoroutier (garanti par la création d’un fonds routier indépendant alimenté par une partie de l’impôt sur l’essence et de la vignette) et suppression des bouchons sur les routes nationales (notamment par l’élargissement de certaines autoroutes et le percement d’un deuxième tunnel au Gothard).
Ce texte a déjà fait couler beaucoup d’encre et donné lieu à de nombreuses prises de bec entre ses partisans et ses opposants. Pour les premiers, ce contre-projet «ouvre la voie à une politique des transports globale et axée sur l’avenir». Pour les seconds, il s’agit d’une «attaque du lobby routier contre la politique des transports actuelle». Plus qu’une bataille d’experts, c’est une guerre idéologique que se livrent les deux camps.
Ils s’écharpent notamment à propos du budget de ce contre-projet. Ses partisans articulent la somme de 30 milliards de francs sur vingt ans, somme qui n’est pas explicitement mentionnée dans le texte. Ce montant correspond à une dépense annuelle de 1,5 milliard, soit ce que la Confédération consacre aujourd’hui déjà à la construction de nouvelles routes. Ces 30 milliards ne constituent donc pas, selon eux, une nouvelle dépense: «Comme les revenus annuels alloués au nouveau fonds se montent à 1,5 mia, on comprend aisément que le contre-projet n’entraîne ni augmentation des impôts, ni augmentations des dépenses routières», expliquent-ils.
Les opposants estiment quant à eux que 30 milliards ne suffiront pas à la réalisation de tout le programme du contre-projet. Ils brandissent ainsi une étude qui conclut à une facture minimale de 39,5 milliards de francs… Ils fustigent en outre une initiative qui propose de construire de nouvelles routes sans tenir compte de l’entretien des infrastructures existantes: «Les 500 millions de francs prévus jusqu’ici par la Confédération ne suffiront pas à entretenir ce réseau vieux de 20 à 30 ans. Des études prévoient déjà qu’il faudra pas loin d’un milliard par année pour tenir les délais de rénovation.» Et de se demander comment l’Etat pourra bien financer la construction de nouveaux tronçons, l’élargissement de l’A1, le creusement d’un deuxième tunnel au Gothard ainsi que l’entretien des autoroutes existantes. «Par une augmentation massive des taxes et impôts, dont l’essence», imaginent les opposants. Ce que l’on conteste évidemment dans le camp opposé, qui n’envisage aucune majoration.

Second tube au Gothard
L’éventualité du percement d’un second tube au Gothard est également au cœur des débats. «Il faut être clair: le contre-projet demande un deuxième tunnel routier au Gothard», affirment les opposants. Bien que le Conseil fédéral n’ait pas fait de cette réalisation une priorité, le contre-projet autorise effectivement sa planification, sous réserve qu’elle ne mette pas en danger les objectifs des Nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA) en matière de transfert du trafic de la route vers le rail. Le Conseil fédéral devra montrer que ces objectifs ne sont pas compromis. Pour les opposants, cela ne fait pas un pli: la rentabilité des NLFA sera directement menacée. Car ils estiment que la construction d’un deuxième tunnel pourrait être un signal dangereux: «Les camions étrangers n’auront plus de raison de traverser la Suisse par le rail, car nous aurons élargi l’autoroute pour eux!»

Aides pour les agglos
Contrairement au texte initialement déposé par les associations d’automobilistes, l’Union suisse des arts et métiers et l’Union pétrolière, le contre-projet du Parlement traite le trafic d’agglomération comme une priorité et prévoit que la Confédération le soutienne par des aides financières. Cette aide fédérale serait destinée aussi bien aux transports publics que privés, qu’ils empruntent la route ou le rail. Si là encore aucun chiffre n’est mentionné, la somme de 300 à 350 millions de francs a été articulée à maintes reprises. Des miettes, selon les opposants. Un montant équivalent devrait en outre être versé par les cantons et les communes, si bien que les agglomérations pourraient se partager, chaque année, quelque 700 millions de francs. Il reviendrait à la Confédération d’examiner les projets soumis par les agglomérations et de fixer un ordre de priorités «en fonction de l’urgence des projets et du rapport coût-utilité».
Les opposants au contre-projet redoutent la distribution de cette manne. «En Suisse, il y a 55 agglomérations: il existe un risque évident que ces fonds soient “phagocytés” par certains cantons au détriment du reste du pays.» Et de mentionner l’exemple de Zurich, dont le total des planifications routières se monte à quelque 17 milliards de francs. «Soit on financera seulement quelques grands projets pour lesquels les grands centres entreront en concurrence – et il ne restera rien pour la majorité des agglomérations – soit on appliquera la politique du saupoudrage, et les centres ayant des problèmes urgents à résoudre (Berne, Zurich, Bâle, Lausanne et Genève) devront financer eux-mêmes la quasi-totalité de leurs projets», analysent-ils.
Les partisans, quant à eux, sont certains que, grâce à ces contributions fédérales, les réseaux express régionaux (RER), tram, bus «et bien d’autres ouvrages profitant durablement au trafic d’agglomération pourraient être réalisés». Selon eux, un échec en votation populaire reporterait de plusieurs années la solution des problèmes des transports publics dans les villes. Tout le contraire des opposants au contre-projet, qui affirment que les villes disposeront de davantage de moyens issus de l’impôt sur les huiles minérales, «parce qu’on ne devra pas les débourser pour des autoroutes surdimensionnées et un deuxième tunnel au Gothard parfaitement superflu».

Des pour et des contre

La position de quelques associations et organistions (voir celle des partis politiques fribourgeois dans le tableau ci-dessous). Soutiennent le contre-projet Avanti: Société suisse des entrepreneurs; Union suisse des arts et métiers; Centre patronal; Touring Club suisse; Automobile club de Suisse; economiesuisse; Fédération suisse du tourisme; hotelleriesuisse; Association suisse des transports routiers; Les Routiers suisses; Service d’information pour les transports publics; Union d’entreprises suisses de construction de routes; Union pétrolière; Union professionnelle suisse de l’automobile; Union des transports publics; Union des villes suisses; Union suisse des paysans.
S’opposent au contre-projet Avanti: Travail.Suisse; Union syndicale suisse; Syndicat des transports publics; Association transports et environnement; WWF Suisse; Greenpeace; Pro Natura; Initiative des Alpes; Fondation suisse de l’énergie; Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage; Fondation pour la protection des consommateurs.

 

Patrick Pugin
27 janvier 2004

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

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