Espace Gruyère accueillait ce week-end la troisième édition de lExpo
gruérienne de la voiture neuve, organisée par les concessionnaires de
la région. Loccasion de se pencher sur une profession tiraillée entre
les vux du client et les exigences des importateurs.
La formule imaginée par
les organisateurs de lExpo gruérienne de la voiture neuve semble bien
fonctionner: 9000 petites et grandes personnes ont afflué à Espace Gruyère
(C. Dutoit)
Avec
315000 véhicules neufs vendus par année, le marché suisse de lautomobile
a atteint ses limites. Le gâteau ne grandira probablement plus, les
professionnels le savent. Cela nempêche pourtant pas les constructeurs
de montrer des appétits toujours plus vastes. Dernier maillon dune
chaîne où le fabricant et limportateur dictent les règles, le concessionnaire
mise gros sur une partie quil ne peut pas perdre. En marge de la 3e
édition de lExpo gruérienne de la voiture neuve qui sest tenue ce
week-end à Espace Gruyère (voir encadré) éclairage sur un métier à
risques en compagnie de professionnels de la place.
Eviter
les stocks
Un don de divination performant est la première contrainte du concessionnaire:
les constructeurs ne veulent plus de stocks et cherchent à fabriquer
à la demande. Résultat, le garagiste doit passer commande avec quatre
mois davance. Pas évident de deviner le nombre et le type de modèles
quon estime pouvoir écouler plus de cent jours après
Et mieux vaut
ne pas se tromper: la facture de limportateur devra être payée à la
livraison, voiture vendue ou non.
Système
impitoyable
Deuxième difficulté: le concessionnaire se doit datteindre un objectif
fixé par les constructeurs. Car le système mis au point par les importateurs
est impitoyable: «Ils rabotent une partie de nos rabais de départ. Si
les objectifs sont remplis, la marge nous revient. Dans le cas contraire,
elle est perdue!» explique Michel Geinoz, président du comité dorganisation
de lexpo gruérienne. Un petit jeu pervers: le garagiste à qui il ne
reste que cinq ou six voitures à vendre pour toucher au but va limer
les prix, quitte à brader un peu, afin de récupérer la retenue. Ce nest
évidemment pas bon pour les autres, qui doivent saligner
Et réduire
encore leur part. Doù bénéfice pour le client. Un client qui se frotte
les mains: la marge du concessionnaire ne cesse de rétrécir puisquelle
est déjà largement reportée. Car pour remplir les objectifs, pas le
choix: il faut piétiner les plates-bandes de ses confrères. Sur un territoire
plus que saturé on estime à 2000 (sur 8000) les garages en trop dans
le pays (la moyenne fribourgeoise étant le double de la moyenne suisse
et la moyenne gruérienne le double de la fribourgeoise!) il faut savoir
se montrer plus convaincant, plus attractif, plus «agressif».
On
introduit les prix nets
Cette tendance au grignotage des marges du concessionnaire est atténuée
depuis quelques temps par lintroduction sur le marché, et par de nombreuses
marques, de véhicules à prix nets. Pas un franc de plus, pas un franc
de moins que ce qui est affiché. Une bonne chose selon Michel Geinoz,
«parce que vous êtes sûr de ne pas aller au-delà dune marge viable».
Mais le plus gros problème du concessionnaire, ce nest pourtant pas
de vendre une voiture neuve, mais bien de reprendre les véhicules. En
effet, trois transactions sur quatre se soldent par lachat dune occasion.
Et cet argent-là, le diable sait quand il réintégrera la caisse
Linconnue
libéralisation
Lannée prochaine, le marché de lautomobile sera libéralisé. De nouvelles
craintes en perspective pour les garagistes? «Il faut être très franc,
personne ne sait vraiment ce qui va se passer», avoue Michel Geinoz.
A priori, rien nempêchera un supermarché dinvestir ce créneau-là.
«Le risque existe quun grand distributeur fasse des achats groupés
et pratique du dumping sur les prix», estime Pierre-Yves Lüthi, du Garage
Moderne à Bulle. Mais selon lui, une grande surface nassurerait en
aucun cas le service après-vente. Le rôle reviendrait aux garagistes
évidemment. Piètre consolation quand on sait que 75% du chiffre daffaires
dun concessionnaire cest la vente de voitures, neuves ou doccasion
Personnaliser
le service
«A lépoque, le travail dun garage cétait deux tiers datelier, un
tiers dexposition. Cest aujourdhui le contraire. Et pour compenser
le manque à gagner de latelier, il faut augmenter les ventes», poursuit
Pierre-Yves Lüthi. Parce que les services dentretien fiabilité des
véhicules oblige sont moins fréquents. Heureusement pour les professionnels
que la loi est stricte: test antipollution, expertise du véhicule, etc.
Ces passages obligés par latelier sont une chance pour les garagistes:
ils leur permettent de fidéliser la clientèle. Pierre-Yves Lüthi: «Du
fait que tout le monde est plus agressif quavant, cest à nous dobtenir
la confiance du client par une personnalisation du service, de laccueil,
etc.» Philippe Baechler, chez Amag, confirme: «Nous proposons maintenant
des services de printemps et dhiver à prix fixes simplement pour
voir les clients
Nous sommes obligés de travailler comme cela pour
amener du monde.» Concessionnaire automobile, on le voit, nest pas
une profession de tout repos. Michel Geinoz nen changerait pourtant
pour rien au monde. «Vendre de la liberté, jestime que cest un très
beau métier.»
9000
visiteurs
Les organisateurs de lExpo gruérienne de la voiture neuve affichaient
un large sourire, dimanche soir, à lissue de la manifestation. Tandis
que les expositions au sein des garages ne connaissent pas des records
de fréquentation, la formule mise au point par les concessionnaires
gruériens semble bien fonctionner. «Nous avons accueilli environ 9000
personnes, cest un beau succès», commente le président Michel Geinoz.
Cest effectivement mille visiteurs de plus que lan dernier. Il faut
reconnaître que létat du ciel aura peut-être joué en faveur des garagistes.
Parmi ces 9000 visiteurs, un jeune homme qui naura pas fait le déplacement
pour rien: vainqueur de la tombola, il pourra choisir une voiture
dune valeur de 15000 francs offerte par les 25 exposants parmi treize
modèles présentés.
Patrick
Pugin / 24 avril 2001